Transcender le Langage Humain pour Atteindre le Divin
Poursuivant mon exploration dans le labyrinthe des mystérieux cahiers de M. Shoshani, je me penche sur des passages qui traitent de l'interaction entre l'écriture et des concepts philosophiques et mystiques. L'article explore la relation entre l'écriture et le langage, en s'appuyant sur des enseignements tirés de la Torah et du Talmud. Cela permet d’examiner comment M. Shoshani interprète l'acte d'écriture comme un moyen de transcender la langue parlée, créant un lien direct avec le divin et révélant des vérités cachées. En outre, j’y aborderai aborde la vision de Shoshani sur la préservation de l'écrit et la responsabilité des enseignants dans la transmission et la dissimulation du savoir.
Shoshani se fonde sur une section du Talmud Shabbath (89a) :

וְאָמַר רַבִּי יְהוֹשֻׁעַ בֶּן לֵוִי: בְּשָׁעָה שֶׁעָלָה מֹשֶׁה לַמָּרוֹם מְצָאוֹ לְהַקָּדוֹשׁ בָּרוּךְ הוּא שֶׁהָיָה קוֹשֵׁר כְּתָרִים לָאוֹתִיּוֹת. אָמַר לוֹ: מֹשֶׁה, אֵין שָׁלוֹם בְּעִירְךָ? אָמַר לְפָנָיו: כְּלוּם יֵשׁ עֶבֶד שֶׁנּוֹתֵן שָׁלוֹם לְרַבּוֹ? אָמַר לוֹ: הָיָה לְךָ לְעׇזְרֵנִי, מִיָּד אָמַר לוֹ: ״וְעַתָּה יִגְדַּל נָא כֹּחַ ה׳ כַּאֲשֶׁר דִּבַּרְתָּ״.
Et Rabbi Yehoshua ben Levi dit : « Au moment où Moïse monta vers la Hauteur, il trouva le Saint, béni soit-Il, en train d'attacher des couronnes aux lettres. Il lui dit : "Moïse, n'y a-t-il pas de paix dans ta ville ?" Il répondit devant Lui : "Est-ce qu'un serviteur donne la paix à son maître ?" Il lui dit : "Tu aurais dû m'assister." Immédiatement, il lui dit : ‘Et maintenant, je te prie, que la puissance d’Adonaï soit magnifiée, comme tu as parlé, disant.' » (Nombres 14, 17).
Dans les mots écrits sur les tablettes données par la main de Moïse, l'écriture et la parole se combinent de manière incarnée, créant une unité parfaite entre les deux. Cette union de l'écriture et de la parole dans la Torah donnée à Moïse représente un langage sans lacunes. M. Shoshani perçoit cette combinaison unique comme la base d'un apprentissage qui s'appuie sur ces deux formes d'expression complémentaires, et qui, par conséquent, n'exige pas de précision supplémentaire. Et pour cette raison il écrit :

: בדורו של משה לא היו נבונים כי לא הוצרכו דבר מדבר לדייק, כי הרי משה ודבר ה׳ בפיו. אלה הדברים דבר ראשון ודבר המדייק ממנו. דבר משה ד[ ... ] בקו׳ טרח וכתב להקרא.
« Dans la génération de Moïse, il n'y avait pas de prophètes, car il n'était pas nécessaire de faire des distinctions précises, puisque [il y avait] Moïse et la Parole d’HaShém étaient dans sa bouche. Ces choses [ou paroles] sont la première Parole et ce qui en découle. La parole de Moïse d[...] avec un trait [note : je suppose que c’est le trait du signe pataħ], il s'est donné la peine d'écrire pour être lu. »
Selon les enseignements de M. Shoshani, à l'époque de Moïse, il existait une harmonie entre les paroles prononcées et les écrits, entre la Torah orale et la Torah écrite. Les mots émanant de la bouche de Moïse étaient perçus comme les paroles directes de Yhwh pour le peuple de cette génération. Il n'était pas nécessaire d'être un prophète pour comprendre et articuler ces paroles avec précision, car la Parole divine était claire et immédiate à travers Moïse.
La question du langage, et plus particulièrement la distinction entre ce qui est dit et ce qui est écrit, a pris une place centrale dans la pensée structuraliste et post-structuraliste. Selon cette perspective, l'expression et la pensée sont indissociables. En d'autres termes, une pensée et son expression forment une unité intrinsèque, nécessitant une relation directe entre le signifiant et le signifié.
Cela met en lumière les innombrables possibilités de signification que peut engendrer le langage. L'écriture, selon ce concept, transcende le signifiant, ouvrant ainsi un espace infini d'interprétations.
La transition entre la génération de Moïse et celles qui lui ont succédé est perçue par M. Shoshani comme un passage entre une perception unifiée du langage (comme celle de Saussure) et une perception plus complexe et ouverte (comparable à celle de Barthes).
Dans la génération de Moïse, il y avait une unité parfaite entre la parole et l'écriture de la Torah, ce qui n'est plus le cas après cette époque. Dès lors, un espace infini de possibilités interprétatives s'ouvre dans les écrits. Cet espace exige des scribes une grande prudence et précision. Après la génération de Moïse, il devient crucial de comprendre les significations cachées au-delà des mots écrits, révélant ainsi des vérités qui résident autant dans ce qui est occulté que dans l'écriture elle-même.
Dans ses cahiers de M. Shoshani souligne un écart entre la réalité et ce qui est écrit, un écart entre le signifiant et le signifié. Selon lui, le pouce symbolise la réalité. Le doigt éloigné du pouce, placé à 90 degrés (l'index), représente la marge d’erreur entre le signifiant et le signifié, un enseignant doit tenter de comprendre cette marge. Le majeur symbolise ce qu'il est permis de dire, l'annulaire ce qu'il est permis d'écrire, et l'auriculaire ce qu'il est permis de divulguer (de publier). Ce déploiement de la main illustre l'ouverture de la voyelle pataħ.

M. Shoshani prenait soin de maintenir cette marge d'erreur sans aller au-delà, ce qui se reflète dans sa méthode d'étude rigoureuse et sa manière méticuleuse d'écrire. Il considérait l'acte d'écrire comme un acte créatif instantané, trouvant un compromis entre la liberté infinie de création et la capacité à écrire. L'acte d'écriture dans ce moment de choix est crucial, car il fige les mots, les rendant permanents, contrairement à la parole qui reste éphémère.
M. Shoshani valorisait ce moment précieux du choix dans la liberté, où les mots se fixent sur la page, gravés et immuables. Cette fixité, selon lui, permet la continuité des mots, leur conférant une forme d'éternité, indépendamment du moment où ils sont prononcés. En d'autres termes, l'écriture, bien qu'elle fixe les mots dans une forme morte, leur permet de vivre éternellement.
Les écrits révèlent et dissimulent simultanément beaucoup de choses, nécessitant une grande précision et une préservation rigoureuse de la relation entre ce qui est écrit et non écrit, dit et non dit. Pour M. Shoshani, la préservation de cette relation est la responsabilité de l'enseignant, qui doit veiller à l'exactitude des écrits tout en maintenant une relation équilibrée entre le dit et le non-dit. Or, le professeur doit être le gardien des écritures, enseigner mais en même temps que cacher et c'est ainsi qu'il écrit :

: [ .. ] ויתן אל משה ככלתו- חובת מורה 1) להפיץ דעה 2) להסתיר. והשבת אל לבבך ...
« [ ... ] "et il donna à Moïse lorsqu'il eut terminé" (Exode 31:18) - Le devoir d'un enseignant : 1) diffuser le savoir 2) cacher. 'Et médite-le en ton cœur' (Deutéronome 4:39) ... »
Le devoir de l'enseignant de répandre un savoir et de le cacher. M. Shoshani considérait le rôle de l'enseignant ainsi que son rôle comme celui d'être responsable de la diffusion d'un savoir et de le cacher en même temps qu'il était responsable de la transmission de la connaissance qu'est la tradition mais en même temps la gardant et la cachant par cette dissimulation les apprenants eux-mêmes pourront découvrir la Torah et en restituer les paroles. Le rôle de l'étude selon sa compréhension que quelque chose d'autre est de découvrir les paroles cachées pour découvrir les paroles qui sont au-delà et cachées dans les écritures.
A cet effet, les apprenants doivent être sages et précis dans les paroles, afin que les paroles écrites puissent révéler les paroles au-delà d'elles. Plus tard, l'auteur leur assigne le rôle d'enseignantes à travers une autre personnification, telle que Moshé Rabbenou (Moïse). L'enseignant doit être celui qui relie le ciel et la terre, qui permet d'apprendre la manière de gravir les échelons à travers cet enseignement.
Dans un autre cahier, pour argumenter cet exemple, il poursuit en faisant référence à la Guémara, qui établit un parallèle avec l'histoire où Moïse, montant au ciel (Marom), trouve le Saint, béni soit-Il, en train d'attacher des couronnes aux lettres (cité au début de l’article). Cependant, il existe une différence notable entre les récits : dans cette histoire, Moïse monte au Marom et s'interroge sur ce qui empêche la Torah d'être donnée.

מצא עסוק לקשור כתרים לאותיות (ביטוי נפלא- עיכוב במסירה - דייק צורת אתוון ידע שהקריאה כבר כתיקונה,- הניקוד ידוע בעפ- אלא שבפניו נרשמו תג= לשם לומד לשמה- ידע עומק צפון ואור גנוז בה 3 שותפים לדעה- 1) בה׳ מבטחך- ההביל. מיעוט צורת דעה חלק בחסכון- האמת, מארץ תצמח התם ראי שלכת- הרוח מביא אבק אלפי קמ- משליך כוכבים- 2) אבל היוצר, הכין אבק לאין קץ- עד לאבדן מהו לא יפסיד 2) גרעון אבק די להפרות. והוה חסר גדל כך למען צדקו יגדיל תורה ויאדיר
« Trouve-toi une occupation consistant à couronner les lettres (expression magnifique - restriction dans la transmission - précision dans la forme des lettres, sache que la lecture est déjà correcte, la vocalisation est connue par cœur - mais devant lui, une inscription : étudie pour l'étude elle-même - connais la profondeur cachée et la lumière dissimulée en elle. Trois partenaires pour ce savoir :
- En HaShém repose ta confiance - éloigne-toi de l'illusion. Réduis la forme de la connaissance d’une part avec parcimonie - la vérité, de la terre germera l'intégrité. Vois l'automne - le vent apporte la poussière de milliers de kilomètres - jette les étoiles.
- Mais le Créateur a préparé une poussière infinie - jusqu'à la perte de ce qui ne sera pas perdu.
- Un peu de poussière suffit à fertiliser. Et le manque grandit ainsi pour que Sa justice magnifie la Torah et l'embellisse.
Shoshani cite cette histoire (Talmud cité au début de l’article) pour illustrer que l'exactitude des lettres était déjà établie dans le Livre de Moïse. La lecture et la correction étaient connues, il n'y avait donc aucune erreur dans la manière de lire les mots. Cela empêche la Torah d'être donnée de manière imparfaite. Une marque a été inscrite sur le visage de Moïse, ce qui symbolise la connaissance profonde du caché et une organisation de l'interprétation. Shoshani relie cette marque (tag) au visage de Moïse, montrant que l'écriture se reflétait sur son visage et dans la Torah écrite, et que cette écriture ne pouvait se produire que lorsque Moïse était dans la Hauteur (Marom). Cela ne pouvait pas être achevé avant son ascension. L'acte d'écrire est ainsi une bénédiction qui s'imprime sur Moïse, reflet de la Torah.
Shoshani continue en affirmant qu'il y a d'autres personnes comme Moïse dans chaque génération, mais chaque génération ne reconnaît pas son propre Moïse. Cependant, chaque génération a la possibilité de réveiller ce qui est déjà scellé en chaque personne, selon sa préparation.
L'écriture scellée devant Moïse continue, selon Shoshani, à être comme un sceau qui s'imprime sur une personne et attend d'être révélé. Ce sceau représente ce pour quoi le Créateur a qualifié la personne. En d'autres termes, la Torah est écrite sur le visage de la personne, mais cette écriture scellée à l'intérieur doit être découverte. La manière de découvrir ce sceau est d'étudier attentivement avec un enseignant, de consacrer des efforts à l'étude, et d'être honnête pour acquérir et comprendre.
L'écriture de la Torah, inscrite sur le visage de la personne, cherche à être révélée, ajoutant ainsi une autre facette à l'écriture avec la puissance de l'étude attentive pour découvrir une écriture cachée dans le visage de chaque individu. Shoshani démontre que l'espace infini (Éin-Sof) peut être contenu dans l'écriture, et cela nécessite une prudence dans son étude. L'acte d'écrire contient l'Infini en lui.
Il considérait le rôle de l'enseignant, et donc aussi le sien, comme étant responsable de maintenir la lecture correcte de l'écrit, tant dans l'exposition que dans la dissimulation, comme dans l'enseignement oral et ses écrits. Selon sa méthode, le pouvoir d'une étude attentive est un appel à découvrir une autre écriture, une écriture ancienne et scellée sur le visage d'une personne. Si l'on est attentif et méticuleux dans l'étude des écritures, on peut révéler ce qui est écrit sur le visage de chaque individu.
M. Shoshani décrit une relation particulière entre l'astronomie et l'écriture. Il perçoit le système céleste comme un système parallèle à celui de l'écriture. Le système de signes de la roue zodiacale est pour lui une sorte de résumé des possibilités structurelles de l'écriture, combinant leurs formes résonantes avec des formes géométriques.
En d'autres termes, le scribe transcende le langage humain pour atteindre le langage pur du ciel. La capacité du scribe à dépasser la langue parlée par les humains crée un lien direct entre la réalité écrite et gravée et le monde céleste.
Shoshani insiste sur la préservation de l'écrit, car pour lui, l'écriture exprime ce qui est au-delà du langage parlé. Elle capture et fixe ce qui dépasse le langage quotidien. En d'autres termes, nos inscriptions et nos écrits sont des expressions directes de réalités sublimes.
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