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Kabbale prophétique et Sefiroth
Le concept des sefiroth chez Abraham Aboulâfia
Le concept des Sefiroth [סְפִירוֹת] selon Abraham Aboulâfia (Rabsa) est principalement numérique. Les Sefiroth sont considérées comme des nombres ou des entités, et leur compréhension est liée à cette notion. Ce qui est tout à fait en accord avec le mot sefirah [סְפִירָה] lui-même qui signifie « numération ».
Dans son ouvrage Otsar Eden Ganouz, le Rabsa écrit :
« Si quelque chose est dit concernant la voie des Sefiroth, si elles sont considérées comme des nombres ou des entités, ne rend pas cela difficile aux yeux de ceux qui voient, car il y a déjà dans de nombreux livres des mots qui indiquent que l’intention principale dans ce cas, tant spécifique que général, est celle du nombre. »
Les Sefiroth, habituellement comprises comme des émanations divines, sont réinterprétées par le Rabsa comme des étapes de l’expérience humaine intérieure et des états psychologiques. Il a apporté une contribution significative à la compréhension des sefiroth en les interprétant comme des « Intellects séparés », en accord avec la doctrine de Maimonide (Rambam) sur les sék’alim hanifradim [שֶׁכָּלִים הַנִּפְרָדִים ] (la forme sék’alim nivdalim [שְׂכָלִים נִבְדָּלִים] est aussi utilisée). Selon le Rambam, les Intellects séparés sont des entités immatérielles qui existent en dehors de l’espace et du temps et qui sont responsables de l’ordre et de la cohérence de l’univers. Selon la terminologie maimonidienne, les Intellects séparés (sék’alim nifradim - il ne met pas l'article) sont des malak'im (anges). Dans le Guide, il écrit :
"Nous avons déjà donné précédemment, dans ce traité, un chapitre où l’on expose que les anges (malak'im) ne sont pas des corps. C’est aussi ce qu’a dit Aristote ; seulement il y a ici une différence de dénomination : lui, il dit Intellects séparés (sék’alim hanifradim), tandis que nous, nous disons anges (malk'im). Quant à ce qu’il dit, que ces Intellects séparés sont aussi des intermédiaires entre Éloha et les (autres) êtres et que c’est par leur intermédiaire que sont mues les sphères, — ce qui est la cause de la naissance de tout ce qui naît, — c’est là aussi ce que proclament tous les livres (saints); car tu n’y trouveras jamais que Éloha fasse quelque chose autrement que par l’intermédiaire d’un ange." (Guide pour les égarés, partie II 26:2).
Le Rabsa a adopté cette idée et l’a appliquée aux sefiroth, les considérant comme des entités intellectuelles qui servent de médiateurs entre le Créateur et la Création. Pour rester au plus près de la pensée aboulafienne, il est préférable de prendre le terme sekhalim dans le sens de "consciences", plutôt que "intellects", bien que ce soit le terme juste.
Dans la Kabbale traditionnelle, les Sefiroth sont considérées comme des hypostases, des entités qui constituent la Nature divine. Le Rabsa, quant à lui, les conçoit comme des conduits qui transmettent le Shefâ divin et agissent comme forces unificatrices du Shefâ divin dans la Création. Les Intellects, correspondant aux Sefiroth, sont ainsi les conduits qui permettent à l’humain d’accéder à la conscience prophétique. Dans son ouvrage Shomér Mitsvah, le Rabsa décrit les dix Intellects en utilisant le langage du Séfér Yétsirah et de la Kabbale théosophique :
« Le secret des Intellects est cinq correspondant à cinq, cinq de la droite et cinq de la gauche, les uns acquittant et les autres condamnant. L’unique et le simple, qui est le saint Nom, médiatise entre eux, penchant d’un côté ou de l’autre selon la Jugement (Din) et la Miséricorde (Raħamim) ensemble ».
Pour le Rabsa, les dix Sefiroth correspondent aux dix Intellects séparés de la cosmologie néoplatonicienne et aristotélicienne médiévale. Le dixième Sefirah est l’Intellect Agent ou Métatron, sous l’apparence de Sandalfon.
La guimatria connecte les "Intellects séparés" avec la "puissance des sefiroth", en effet, sék’alim hanifradim [שֶׁכָּלִים הַנִּפְרָדִים ] = 789 = Koaħ hasefiroth [כֹּחַ הַסְפִירוֹת ].
Les Intellects séparés, l'Intellect Agent et la synthèse mentale des philosophes
Le concept des "Intellects séparés" trouve ses racines dans la philosophie antique et médiévale, où il a été développé et discuté par plusieurs penseurs majeurs, dont le Rambam et le Rabsa, notamment dans le contexte des commentaires sur l'œuvre d'Aristote. Ce concept est étroitement lié à la compréhension de la Nature de l'Intellect (sék'él) et de son fonctionnement, ainsi qu'à la question de la relation entre l'intellect et le divin.
La Kabbale adopte une approche plus mystique et symbolique, en insistant sur la possibilité d'une expérience directe et transformative de l'âme divine. Les "Intellects séparés" y représentent des niveaux de conscience et d'existence spirituelle qui sont distincts du monde matériel et qui servent de médiateurs entre le divin et l'humain. Ces concepts sont essentiels pour comprendre la cosmologie kabbalistique et la manière dont elle envisage le chemin spirituel de l'humain vers une union plus profonde avec le divin. Dans la Kabbale extatique d'Aboulâfia, il est suggéré que la récitation des Noms divins peut transformer l'intellect humain en un Intellect actif (ou agent), ce qui va au-delà de la simple connaissance d'un sujet donné. Cela indique que les pratiques kabbalistiques peuvent avoir un impact profond sur la psyché humaine, en la rapprochant des réalités spirituelles supérieures
L'Intellect Agent, ou "Sék'hel haPoêl", est une notion clé dans la discussion des Intellects séparés. Il est décrit comme un Intellect séparé par nature, le "donateur des formes" (yotsér tsouroth), et agit comme l'agent de l'intellectualisation. Cette idée a été élaborée par les commentateurs d'Aristote et suggère une entité intellectuelle distincte qui joue un rôle crucial dans le processus de connaissance, en fournissant les formes intelligibles aux intellects individuels.
Dans la Kabbale, et plus particulièrement dans l'œuvre d'Abraham Aboulâfia, l'Intellect Agent, ou "Sék'hel haPoêl" (שכל הפועל), occupe une place centrale et se distingue par sa particularité de servir d'intermédiaire entre le divin et l'humain. Cette notion est bien sûr influencée par la philosophie d'Aristote et la pensée de Maïmonide, intégrant l'idée d'un intellect divin qui influence et meut tout par son "influx" (Shefâ). Le Rabsa, en reprenant la notion d'Intellect Agent d'Aristote et en l'adaptant au contexte monothéiste juif, met en avant l'idée que l'humain atteint sa véritable humanité et actualise ce qui constitue sa spécificité à travers "l'intelligence de l'Intelligible premier", c'est-à-dire l'Intellect Agent. Cette approche souligne l'importance de l'intellect dans la réalisation spirituelle de l'individu, en le reliant directement à une source divine d'influence et de connaissance. La particularité de l'Intellect Agent dans la Kabbale du Rabsa réside donc dans son rôle d'intermédiaire essentiel qui permet à l'humain de se connecter à la Sagesse suprême. Cet intellect n'est pas seulement un principe abstrait, mais agit comme un canal à travers lequel le Shefâ divin peut être reçu par l'humain, lui permettant ainsi d'accéder à une Connaissance supérieure et à une expérience spirituelle directe du divin. Cette conception s'inscrit dans une démarche mystique où la connaissance intellectuelle et l'expérience spirituelle sont intimement liées, offrant une voie vers la réalisation spirituelle et la Deveqouth.
La notion de synthèse mentale, telle qu'expliquée par Aristote, est également pertinente pour comprendre les Intellects séparés. Il me semble que cette idée de synthèse mentale est la maħshavah tsodéqéth [מַחְשָׁבָה צוֹדֶקֶת] (pensée juste, correcte) chez aboulâfia. Cette synthèse implique l'unification de concepts ou d'éléments qui étaient auparavant séparés, un processus qui est au cœur de l'activité intellectuelle. L'intellect joue un rôle central dans cette synthèse, réunissant et formant des connaissances cohérentes à partir de perceptions et d'idées disparates.
La notion de "synthèse mentale" dans la Kabbale reflète une démarche intellectuelle et spirituelle qui cherche à unifier diverses sources de connaissance et d'expérience. Cette synthèse est au cœur de la pratique kabbalistique, permettant à l'individu de percevoir les liens profonds entre le divin, le monde, et soi-même. En cultivant une approche à la fois rationnelle et intuitive, le kabbaliste développe une compréhension plus riche et plus nuancée de la réalité spirituelle. Cette approche "holistique" permet au kabbaliste de cultiver une vision du monde qui embrasse à la fois l'étude patiente et l'attente d'une révélation fulgurante. En faisant travailler ensemble raison, intuition, et imagination, le kabbaliste établit des connexions entre différents domaines de la connaissance et de l'expérience, favorisant ainsi une synthèse mentale.
Les Sefiroth comme étapes de l’expérience intérieure
Le Rabsa réinterprète la compréhension théosophique des Sefiroth à la lumière d’un modèle mystico-psychologique. Les Sefiroth ne sont plus considérées comme des grades ontiques émanant de l’Éin-Sof, mais comme des étapes de l’expérience humaine intérieure.
Il y a une homologie parfaite entre les Sefiroth suprêmes qui correspondent aux Intellects séparés et les Sefiroth intériorisées vécues comme des états psychiques sur le chemin mystique. L’unification des Sefiroth à l’intérieur de la nature humaine facilite l’émanation qui abonde des Sefiroth supérieures.
Cette approche est particulièrement évidente dans les écrits du Rabsa, tels que Ve-Zoth li-Yehoudah et Maftéaħ ha-Sefiroth. Par exemple, dans Ve-Zoth li-Yehoudah, le Rabsa décrit les Sefiroth comme des états psychiques et spirituels que l’individu traverse dans son cheminement vers l’illumination et la prophétie. Les Sefiroth deviennent ainsi des paliers dans l’élévation spirituelle et la réalisation de soi.
Le rôle des Sefiroth dans la pratique méditative d’Aboulâfia
La méditation sur les Sefiroth et leurs correspondances, notamment les lettres hébraïques et les noms divins, est au cœur de la pratique spirituelle d’Aboulâfia. En se concentrant sur les Sefiroth et en pratiquant le Tséirouf haOthioth (combinatoire des lettres), l’individu peut atteindre un état de Conscience prophétique
Dans Maftéaħ ha-Shémoth, le Rabsa affirme que :
« La prophétie ne vient à personne qui prophétise en vérité, sinon par la méthode de la combinatoire des lettres (dérék’h Tséirouf haOthioth) en conjonction avec la connaissance de Ses voies, les chemins de Ses configurations, les arrangements de Ses plans, et les méthodes secrètes des Sefiroth, ainsi que la compréhension des mystères des Noms ».
La doctrine des Sefiroth dans la perspective prophétique d’Abraham Aboulâfia offre une approche unique de la Kabbale, mettant l’accent sur l’expérience intérieure et la réalisation spirituelle. En réinterprétant les Sefiroth comme des étapes de l’expérience humaine intérieure et des états psychologiques, le Rabsa invite l’aspirant kabbaliste à explorer les profondeurs de son être et à s’élever vers les sommets de la Conscience prophétique.
Interchangeabilité de la première et de la dixième
L’idée de l’interchangeabilité de la première et de la dixième sefiroth est un concept important dans la doctrine des sefiroth d’Abraham Aboulâfia. Selon le Rabsa, les sefiroth sont des nombres ou des entités mathématiques, et leur compréhension est liée à cette notion. Dans son ouvrage Otsar Eden Ganouz, il écrit :
« Si tu veux comprendre les sefiroth comme il se doit, compte-les, car elles sont appelées sefiroth et elles sont des pensées idéales. Si tu ne penses pas, tu ne peux pas compter et si tu ne comptes pas, tu ne peux pas penser. La sefirah est un décompte et rien d’autre ».
Dans son commentaire sur Séfér Yétsirah, le Rabsa note également que « les sefiroth sont des pensées idéales et elles sont les formes intelligibles idéales, et ce sont les dix sefiroth intelligibles idéales ». Dans Gan Naoûl, il réitère ce point en utilisant le langage symbolique de la kabbale théosophique, peut-être tiré de Sefer ha-Bahir. La dixième sefirah, qui est la première, est appelée Maħshavah (pensée [מַחְשָׁבָה]) et est également appelée Couronne suprême (Kétér êliyon). Son secret se permute avec celui de la première sefirah, qui est la dixième, car son nom est Tsédéq (Justice). Ainsi, lorsqu’une personne a une « pensée juste » (maħshavah tsodéqéth [מַחְשָׁבָה צוֹדֶקֶת]), elle reçoit une force globale de ces deux sefiroth. Le Rabsa relève alors que Maħshavah [מַחְשָׁבָה] et sefirah [סְפִירָה] partage la guimatria 355. Et qu’elle est aussi celle de haSék’él (l’intellect [הַשְׂכֵּל]) et de Yosséf haTsaddiq (Joseph le Juste [יוֹסֵף הַצַדִּק]), personnification de la « Pensée juste ».
Les Sefiroth, les quatre éléments et les six directions du Cosmos
Dans l’enseignement d’Abraham Aboulâfia, les Sefiroth sont étroitement liées aux quatre éléments et aux six directions de la Création. Dans son commentaire de son Séfér ha-Mélits, le Rabsa décrit la vision spirituelle d’une échelle sphérique (ha-soullam ha-kaddouri) qui est rotative et dont la couleur est celle des cieux. Cette échelle est rotative grâce aux vingt Sefiroth, qui sont les dix doigts des mains et les dix orteils des pieds, et qui tournent à droite et à gauche. Cette vision est influencée par la comparaison des dix Sefiroth aux dix doigts des mains et aux dix orteils des pieds dans le Séfér Yétsirah, et le Rabsa utilise le mot Sefiroth pour désigner ces parties du corps humain car le sens premier de ce terme dans son esprit est lié aux nombres.
Les dix Sefiroth, comprises comme les dix Intellects séparés, sont identifiées par le Rabsa aux quatre éléments sublunaires que sont la terre, l’eau, l’air et le feu. Ainsi, les cinq Sefiroth saintes du côté droit symbolisent l’élément du feu, lumineux et subtil, alors que les cinq Sefiroth du côté gauche, plus profanes, représentent l’élément terrestre, lourd et opaque. La dixième Sefirah, Shekhinah ou Intellect Agent, fait office de médiateur et maintient l’équilibre entre ces deux groupes de Sefiroth, entre le feu et la terre. Elle symbolise ainsi l’élément intermédiaire de l’air. Il faut toutefois se souvenir que contrairement aux autres kabbalistes de son temps, le Rabsa ne tient pas compte de la notion "d'arbre" ou "d'édifice" sefirotique. Pour lui, se sont des "sphères" en rotation. Selon le concept plus conventionnelle, linéaire et verticale, le feu est à gauche et l'eau à droite.
Selon le Rabsa, les dix doigts des mains et des pieds symbolisent également les dix Sefiroth, cinq du côté droit et cinq du côté gauche. Ils sont disposés selon les six directions de l’espace. Ainsi, les cinq doigts de la main droite correspondent aux cinq Sefiroth saintes situées au Sud, à l’Est et au Nord, tandis que les cinq doigts de la main gauche correspondent aux cinq Sefiroth du côté gauche, à l’Ouest. Les Sefiroth apparaissent donc comme une synthèse des quatre éléments et des six directions fondamentales de l’espace, une articulation du cosmos selon ses axes verticaux et horizontaux.
Mais cela impose une « Pensée juste » (maħshavah tsodéqéth [מַחְשָׁבָה צוֹדֶקֶת]) qui unifie les quatre éléments. Ainsi que le révèle la guimatria 955 de maħshavah tsodéqéth [מַחְשָׁבָה צוֹדֶקֶת], équivalente à Ésh rouaħ mayim âfar [אֵשׁ רוּחַ מַיִם עָפָר], « feu, air, eau, terre » (litt. Feu, vent, eau, poussière).
Dans son ouvrage Ħayyé ha-Néfesh, le Rabsa compare les 10 doigts aux couronnes des lettres de la Torah, une interprétation probablement suggérée par la connexion philologique présumée entre les mots Sefiroth et sofér (qui écrit et compte avec ses doigts). Les Sefiroth sont également associées aux quatre éléments et aux six directions cosmiques, comme le montre le passage suivant :
« Les deux lettres Hé (ה) dans le Nom [Yhwh] enseignent sur les cinq sefiroth qui sont profanes et les cinq qui sont saintes. Elles peuvent être comparées aux dix doigts, cinq à droite et cinq à gauche, les uns sont saints et les autres sont profanes. À propos de ce secret, nous regardons les ongles à Havdalah et nous bénissons ‘celui qui crée les lumières du feu’, car les lumières du feu (meorei ésh) sont les dix lumières (meoroth) qui sont comme les dix visions de la prophétie (maroth ha-nevouâh) et ses dix Noms. Et la question est que les doigts sont les extrémités du corps et il est approprié de les regarder, car ils sont les extrémités du corps. Ils ne sont pas compris sans la lumière qui brille sur eux de l’extérieur d’eux, et elle est séparée d’eux et coule sur eux. À ce sujet, il est dit dans Séfér Yétsirah ‘dix sefiroth belimah [comme] le nombre des dix doigts, cinq correspondant à cinq’, pour montrer qu’elles sont le but de l’existence (tak’hliyoth ha-metsiouth [תַּכְלִיּוֹת הַמְּצִיאוּת ]) tout comme les doigts sont les extrémités du corps (tak’hliyoth ha-gouf [תַּכְלִיּוֹת הַגּוּף]) et ils sont dix correspondant aux Intellects séparés et aux dix Sphères célestes comme les mains et les pieds, les uns sont des causes et les autres des effets. »
Les Sefiroth comme conduits du Shefâ divin
Pour le Rabsa, les Sefiroth agissent comme des conduits qui véhiculent l’afflux du Shefâ divin dans l’univers. Elles représentent les attributs divins et sont activées à travers la méditation sur les combinaisons des lettres des Noms divins.
La dixième Sefirah, l’Intellect Agent ou Shekhinah, comprend en elle les neuf autres Sefiroth. Elle est personnifiée comme l’ange d’Adonaï qui porte le Tétragramme, ou comme la Torah. L’unification des dix Sefiroth dans l’intellect humain, qui est actualisée par l’influx de l’Intellect Agent, correspond à un état d’Union mystique. Le Shefâ intellectuel de l’Intellect Agent facilite l’atteinte de la Conscience prophétique. Les Sefiroth sont ainsi les canaux permettant à l’individu de recevoir cet influx intellectuel émanant du divin.
La connaissance des Sefiroth conduit à l’influx de l’Intellect Agent vers l’intellect humain. Ce processus mène à une appréhension de la Nature divine, mais aussi à une transformation intérieure de l’être humain, qui s’unit aux forces divines. Les Sefiroth apparaissent donc comme des médiateurs essentiels de cette abondance intellectuelle vers la prophétie et l’union mystique.
Les Sefiroth, conduits de l’unité
Connaître les Sefiroth permet de connaître les attributs divins qui constituent l’Essence divine. Les unifier dans son propre intellect, c’est unifier les forces divines et accéder à l’Unité divine.
La dixième Sefirah, Shekhinah, l’Intellect Agent, maintient l’unité des Sefiroth.
Selon le Rabsa, la méditation sur les combinaisons des lettres des Noms divins permet d’activer les Sefiroth et de canaliser le Shefâ divin vers le maskil. Les Noms divins sont intrinsèquement liés aux Sefiroth. Connaître les Noms permet donc de connaître la Nature divine une et indivisible.
En somme, les Sefiroth et les lettres forment un tout indissociable reflétant l’Unité : les Sefiroth en sont les attributs, activés et unifiés par la méditation sur les permutations des lettres des Noms. Cette connaissance et cette unification interne mènent à une appréhension de l’Unité divine.
Les Sefiroth, canaux des attributs divins
Pour le Rabsa, les dix Sefiroth véhiculent l’épanchement des attributs divins dans la Création. Elles représentent la Miséricorde (Raħamim) et le Jugement (Din), et sont activées à travers la méditation sur les combinaisons des lettres des Noms divins.
La dixième Sefirah, l’Intellect Agent ou Shekhinah, est celle par qui l’influx divin est transmis, et qui maintient l’équilibre entre Miséricorde et Jugement. L’unification des dix Sefiroth dans l’intellect humain, qui est actualisée par l’influx de l’Intellect Agent, correspond à un état d’Union mystique avec les attributs divins. Le Jugement et la Miséricorde sont ainsi les vecteurs permettant à l’individu de recevoir cet influx intellectuel émanant du divin, de s’unir aux attributs divins, et d’accéder à la prophétie.
La Torah, canal de du Shefâ divin
Pour le Rabsa, la Torah est l’émanation de la dixième Sefirah, l’Intellect Agent, qui rappelons-le contient en elle les neuf autres Sefiroth. La Torah est ainsi le vecteur par lequel le Shefâ divin est transmis aux êtres humains.
Connaître la Torah revient donc à connaître la Nature divine une et indivisible. La Torah est le Nom divin rendu accessible, elle représente les attributs divins sous une forme articulée.
Selon le Rabsa, la méditation sur les combinaisons des lettres des Noms divins dans la Torah permet d’activer les Sefiroth et de canaliser le Shefâ divin. Les lettres sont ainsi le fondement de l’Unité divine que représentent les Sefiroth. La Torah manifeste l’Essence divine une à travers la multiplicité des lettres et des Noms.
La Torah, comprise comme émanation de la dixième Sefirah, l’Intellect Agent, est le canal privilégié de transmission de l’influx divin vers les êtres humains. À travers elle s’exprime l’Essence divine une et indivisible. Les Sefiroth trouvant leur manifestation concrète dans les lettres de la Torah.
L’homologie macrocosme-microcosme
Pour Aboulâfia, il existe une homologie entre les Sefiroth supérieures dans le monde divin et les Sefiroth inférieures dans la psyché humaine. L’être humain peut s’unir aux Sefiroth supérieures et recevoir leur influx intellectuel.
Cette homologie est rendue possible par le fait que l’intellect humain peut être conjoint à l’Intellect Agent, la dixième Sefirah, et acquérir ainsi la connaissance des dix Sefiroth, qui sont les Intellects séparés. Dans cet état de conjonction, il y a une identification ontique virtuelle du mystique et du divin.
Selon le Rabsa, la forme humaine reflète les dix Sefiroth. Ainsi, les dix doigts des mains et des pieds symbolisent les dix Sefiroth, cinq du côté droit et cinq du côté gauche. De même, les cinq sens externes et les cinq sens internes correspondent aux dix Sefiroth.
La forme humaine est donc le microcosme à l’image du macrocosme constitué par les dix Sefiroth. L’unification de ces Sefiroth à travers les états psychiques humains mène au l’afflux intellectuel vers la prophétie et l’Union mystique avec le divin, la Dveqouth.
Pour résumer
Abraham Aboulâfia développe une conception des Sefiroth qui s’inscrit à la fois dans la lignée de la philosophie maïmonidienne et, malgré qu’il soit séfarade, de la Kabbale ésotérique ashkénaze.
Les Sefiroth sont comprises comme les « Intellects séparés » de la cosmologie néoplatonicienne, conformément à Maïmonide. Mais Aboulâfia s’écarte de la théologie apophatique maïmonidienne en affirmant la possibilité d’une connaissance des Noms et attributs divins à travers les Sefiroth. Celles-ci canalisent l’épanchement du Shefâ divin et activent la connaissance ésotérique transmise par tradition orale.
Cette gnose ésotérique du Nom divin est étonnament héritée de la Kabbale ashkénaze des Ħassidim allemands que le Rabsa a certainement dû approcher durant les dix années obscures de sa vie dont on ne sait rien. La combinaison des lettres des Noms permet d’unifier les Sefiroth dans l’intellect humain, entraînant l’influx intellectuel depuis l’Intellect Agent vers la prophétie et l’Union mystique.
Ainsi, Aboulâfia opère une synthèse dynamique entre rationalisme maïmonidien et ésotérisme ashkénaze. Sa conception des Sefiroth, à la fois Intellects séparés et conduit de l’influx divin, permet d’articuler la philosophie avec la Kabbale visionnaire des Noms divins dans une même quête de la Connaissance de Dieu.
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