Origène et l'Herméneutique

Georges Lahy Par Le 28/04/2024 0

Un mystique pré-kabbaliste

L’examen des écrits d’Origène, théologien chrétien mystique du début du troisième siècle, révèle des similitudes surprenantes avec certains concepts de la mystique kabbalistique, malgré leurs origines spirituelles distinctes. Il est tentant de penser que si les idées d’Origène n’avaient pas été mises à l’écart par l’Église, les traditions mystiques juives et chrétiennes pourraient se trouver beaucoup plus proches qu’elles ne le sont aujourd’hui. Peut-être même que cette proximité aurait favorisé un rapprochement plus marqué entre les deux religions.

Toutefois, bien qu'il fut disciple de disciple de Clément d'Alexandrie et formé sous l'influence de l'environnement gnostique d'Alexandrie, et qu'il en partage certains aspects, Origène reste fondamentalement ancré dans la théologie chrétienne traditionnelle. Il est donc plus précis de le considérer comme un penseur chrétien qui, tout en utilisant des méthodes et des idées parfois similaires à celles des gnostiques, a développé une doctrine qui reste distincte et souvent opposée au gnosticisme. Il incarne un exemple de comment les éléments de la pensée gnostique peuvent être intégrés dans un cadre chrétien orthodoxe sans pour autant adhérer entièrement aux systèmes gnostiques.

Interprétation Multiniveaux des Écritures

D’abord, il est crucial de comprendre que les deux courants plongent leurs racines dans une quête profonde de la compréhension mystique des Écritures. Origène est réputé pour son approche allégorique de la Bible, cherchant derrière le texte des significations plus profondes, spirituelles et universelles. Cette méthode ressemble de près à l’herméneutique kabbalistique, notamment à celle de la Kabbale médiévale, qui aborde les textes saints selon différents niveaux (Pardès), en accentuant le niveau « Sod » (secret), qui dévoile les mystères cachés derrière le texte littéral.

Dans son œuvre De Principiis, Origène écrit : « Comme l’homme est composé de corps, d’âme et d’esprit, ainsi dans la sainte Écriture toute loi qui est proposée, tout précepte qui est enseigné, toute histoire qui est rapportée, a un triple sens, correspondant à ces trois éléments » (IV, 11). De son côté, le Séfér haZohar, explique que « les récits de la Torah sont ses vêtements. Celui qui pense que ces vêtements sont la Torah elle-même... mériterait qu’on lui dise : ‘Malheureux, tu regarderas les vêtements mais tu ne verras pas la personne qui les porte’ » (Zohar III, 152a). Ce passage souligne l’existence de niveaux de sens cachés derrière le texte littéral.

Le Sod et le Mystère

Origène soutient que la Vérité divine est voilée dans les Écritures et que seul un effort de recherche profonde permet de l’atteindre, révélant des vérités à ceux qui sont prêts à les recevoir. Cela rappelle bien le « Pardès » des talmudistes et des kabbalistes, où le « Sod » représente le niveau le plus profond de l’interprétation mystique.

Métaphysique et Cosmologie

La notion d’Émanation est centrale dans la théologie d’Origène, comme dans la Kabbale. Origène parle du Logos émanant de Dieu, ainsi que d’autres êtres spirituels dérivant de cette Première Émanation. Cette idée est parallèle à la structure des sefiroth dans la Kabbale, où la Lumière Infinie se diffuse à travers dix attributs ou Émanations, chacune représentant un aspect différent de la divinité et du processus de Création.

Origène, dans sa vision de la structure de l’univers, propose que le Fils (le Logos) émane du Père, et que l’Esprit Saint émane à son tour du Fils par un processus d’éveil. Cette cascade d’émanations décrit une hiérarchie céleste qui permet d’expliquer l’organisation et la médiation entre Dieu et le monde matériel. En commentant l’Évangile de Jean, il écrit : « Le Fils, étant proche du Père, est seul nourri par le Père, et est seul capable de le connaître et de le recevoir, comme il est dit que seul le Fils a vu le Père. De plus, il est capable de révéler ce qu’il reçoit d’une telle nourriture à qui il veut et comme il veut, car le Fils peut tout faire comme il le voit être fait par le Père. » (Commentaire sur Jean, 2.2).

Cette idée montre comment Origène envisage une transmission graduelle et ordonnée des essences divines, semblable à la façon dont la lumière passe à travers les différentes sefiroth dans la Kabbale. Spécialement dans celle de Isaac Louria (le Ari), où les sefiroth sont considérées comme des réflecteurs à travers lesquels la Lumière divine s’écoule à partir d’Éin-Sof (Infini) vers le Monde créé. Chaque sefirah émane de la précédente et représente un attribut divin différent : « Les dix sefiroth de lumière... Chacune est contenue dans l’autre par l’intermédiaire du reflet de la lumière, émanant d’une sefirah et entrant dans une autre, jusqu’au bas de toutes les sefiroth. De cette manière, elles sont reliées entre elles, et elles deviennent dix, qui sont en réalité une. » (Kitvéi Ari, par Ħaïm Vital)

Cette citation illustre la complexité et la nuance des processus d’Émanation dans la Kabbale, où la Lumière divine descend en cascade à travers les sefiroth, chacune modulant cette lumière selon son attribut unique.

Les deux systèmes utilisent l’Émanation (Atsilouth des kabbalistes) pour expliquer comment le divin interagit avec le créé sans diminuer sa transcendance. Pour Origène, l’émanation aide à maintenir l’unité et la simplicité de Dieu tout en permettant une création variée et complexe. Pour les kabbalistes, les émanations des sefiroth permettent à l’Infini (Éin Sof) de se manifester dans le fini sans contradiction. Les deux approches traitent de la question de comment le mal et la diversité existent dans un monde créé par un Dieu bon et unique. Par les émanations, ils proposent des structures par lesquelles le divin peut engendrer diversité et multiplicité tout en restant fondamentalement unitaire et saint.

Origène et le Tiqoun

L’accent mis sur la transformation et la purification spirituelle est un autre point de convergence. Pour Origène, le but ultime de l’existence humaine est la perfection, atteinte par le retour à Dieu à travers un processus de purification. En Kabbale, spécialement dans l’enseignement de la Kabbale lourianique, la réparation (Tiqoun) de l’âme et du monde par des actes de piété et d’étude spirituelle résonne avec cette aspiration.

Origène présente la purification spirituelle comme un processus essentiel pour le retour de l’âme à Dieu, une idée qu’il développe en utilisant des métaphores de raffinement et de montée. Comme dans son commentaire des Épîtres aux Romains : « Ceux qui sont élevés à des hauteurs spirituelles sont purifiés par la Parole de Dieu ; ils sont préparés par des exercices successifs pour atteindre encore plus haut, jusqu’à ce qu’ils soient rendus capables de voir le Dieu pur et clair, non plus à travers un miroir et de manière obscure, mais face à face, l’œil de l’âme étant rendu capable de supporter la vision béatifique et lumineuse. » (Commentaire sur Romains, livre 10). Cette approche met en lumière la croyance qu’une ascension spirituelle est possible grâce à la purification continuelle, un concept central dans la pensée chrétienne ancienne et qui trouve des échos dans la mystique juive.

La Kabbale lourianique insiste sur le concept de Tiqoun (Réparation), où chaque action spirituelle contribue à la réparation du monde brisé et à la restauration de l’harmonie cosmique : « Chaque âme d’Israël doit réparer sa part du monde, et chaque âme a une partie particulière du monde entier qui lui est assignée, comme il est dit : ‘Et Israël réparera dans les nations...’ » (Kitvéi Ari). Isaac Louria propose l’idée que chaque âme a une responsabilité unique dans le processus global de réparation, soulignant que la transformation personnelle est intrinsèquement liée à la transformation cosmique.

Origène et Louria voient la purification comme un moyen non seulement d’atteindre la perfection personnelle mais aussi de rétablir une relation plus directe avec le divin. Ce processus est essentiel pour comprendre le rôle de l’homme dans le cosmos et pour réaliser son potentiel divin. Dans les deux traditions, il y a une compréhension que les actions individuelles affectent le monde entier. La transformation personnelle est donc vue comme une contribution à un bien plus grand. Tant Origène que Louria suggèrent que les épreuves et les difficultés sont des occasions de purification. Ces défis sont nécessaires pour détacher l’âme des attachements terrestres et la préparer à une union plus complète avec le sacré.

Origène et les Connaissances Ésotériques

La notion de mystère et de connaissance révélée seulement aux initiés est présente chez les deux. Origène réservait certains de ses enseignements aux chrétiens avancés dans leur foi, tandis que la Kabbale a souvent été considérée comme une discipline ésotérique, accessible seulement à ceux qui sont spirituellement préparés.

Origène, bien qu’opérant dans le cadre de la théologie chrétienne, a souvent souligné que certaines vérités profondes des Écritures ne devraient être partagées qu’avec ceux qui sont suffisamment avancés dans leur foi et leur compréhension spirituelle. Dans De Principiis, il écrit : « Car il y a beaucoup de choses qui, à mon avis, ne sont pas comprises par la majorité parce qu’elles sont figurées et cachées, comme des mystères spirituels. » (Préface, 2.9). Origène propose que la vérité divine contient des dimensions qui dépassent la lettre du texte et nécessitent une perception spirituelle élevée, accessible seulement à ceux qui ont atteint un certain degré de maturité spirituelle.

La Kabbale est fortement marquée par une orientation ésotérique, réservant ses enseignements les plus profonds aux étudiants jugés aptes à les recevoir. « Comme la Torah a été donnée dans le feu, dans l’eau et dans le désert, ainsi est donné le secret : dans la douleur, dans l’eau par la langue, et dans le désert qui est sec et sans habitation. » (Prologue du Zohar). Le Zohar, insiste sur le fait que les secrets les plus profonds de la Torah doivent être transmis dans des conditions qui reflètent leur sainteté et leur profondeur, c’est-à-dire avec prudence et discernement.

Tant Origène que les kabbalistes peuvent argumenter que certains aspects des écritures saintes contiennent des vérités puissantes qui, mal comprises, pourraient mener à des erreurs spirituelles ou théologiques. La révélation graduelle aide à préserver la pureté de ces enseignements. Ce dévoilement graduel des mystères peut être vu comme un moyen de promouvoir le développement spirituel. Les initiés progressent à travers des niveaux de compréhension plus profonds, ce qui est un principe commun dans de nombreuses traditions mystiques et ésotériques. Bien que cette approche puisse sembler élitiste, elle peut aussi être interprétée comme une manière de respecter la diversité des parcours spirituels individuels, offrant à chaque personne ce qu’elle est prête à comprendre et à intégrer.

Origène et le Guilgoul

Origène, dans ses écrits, propose une vision de l’âme qui transcende une seule existence terrestre [cette idée a été considérée comme hérétique par les autorités chrétiennes dominantes]. Il envisage une série de naissances successives comme un moyen pour les âmes de se purifier et de se perfectionner, en vue de leur retour ultime à Dieu. Cette théorie est explicitée dans son ouvrage De Principiis : « Si quelqu’un prouvait par des preuves scripturaires que l’âme persévère dans divers corps successivement... cela n’empêcherait pas qu’on puisse la ramener, après sa purification, à sa condition originelle » (De Principiis, livre II). Cette perspective soutient l’idée que la réincarnation, ou transmigration des âmes, permet une évolution morale et spirituelle continue, où chaque vie offre des leçons et des défis uniques destinés à la purification de l’âme. Il nomme cette théorie de transmigration : Metensomatosis. [μετενσωμάτωσις]. Ce terme dérive de meta [μετά] signifiant « après » ou « changement », et ensomatosis [ενσωμάτωσις], signifiant « incarnation », ou plus littéralement : « incorporation ». Ainsi, « metensomatosis » implique le concept de renaissance ou de réincarnation de l’âme dans un nouveau corps après la mort.

La Kabbale, particulièrement dans sa formulation lourianique, articule le concept du Guilgoul haneshamoth [גלגול הנשמות], qui signifie littéralement « la révolution des âmes », où les âmes reviennent à plusieurs reprises dans le monde physique pour accomplir des commandements spécifiques (mitsvoth) et réparer (tiqoun) les failles de leurs existences précédentes. Cette idée est déjà présente dans la Kabbale médiévale, comme le montre le Zohar : « Comme les vêtements sont changés, ainsi sont changées les âmes, afin de recevoir leur récompense ou leur punition, selon ce qu’elles ont accompli dans le monde. » (Zohar, II, 99b)

Cette idée renforce la notion que les âmes sont engagées dans un processus cyclique de réparation, non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour le cosmos tout entier.

Origène et la Kabbale voient la transmigration des âmes comme un mécanisme de Justice divine, permettant aux âmes de rectifier leurs erreurs passées. Cela illustre une vision d’un Dieu patient et miséricordieux, qui offre à chaque âme la possibilité de parvenir à la perfection. Les deux traditions mettent en avant la croissance spirituelle comme un processus évolutif et non linéaire. Chaque existence terrestre offre de nouvelles opportunités pour des défis spirituels et des progrès, soulignant la valeur de l’expérience vécue dans la formation de la vertu. Dans les deux cadres, les actions dans une vie ont des conséquences pour les vies futures, renforçant l’idée que nos choix et actions sont profondément interconnectés et influencent notre voyage spirituel à travers le temps.

L’Apocatastase

L’une des idées d’Origène jugée la plus hérétique par l’Église catholique est sa théorie de l’Apocatastase (ou restauration universelle). Cette doctrine propose que tous les êtres, y compris les démons et les âmes damnées, seront finalement réconciliés avec Dieu et restaurés à leur état originel de pureté à la fin des temps.

L’apocatastase repose sur une vision très optimiste du plan de Salut, selon laquelle la Miséricorde de Dieu est si complète et son pouvoir si absolu que le mal, la rébellion, et même l’enfer lui-même sont temporaires. Origène croyait que tout ce qui avait été créé par Dieu retournerait à Dieu, affirmant ainsi la toute-puissance de la Bonté divine sur toute forme de corruption ou de mal. « Il me semble que tous ceux qui se préoccupent de la divinité et de la Providence croient que Dieu administre toutes choses d’une manière telle que, avec la fin du monde, un certain état rationnel et un ordre bien ordonné réapparaîtra parmi tous les êtres, réhabilitant leur condition propre. » (De Principiis, livre I)

L’Église catholique a rejeté l’enseignement de l’apocatastase principalement parce qu’il semble contredire les doctrines de la justice éternelle et de l’enfer éternel, telles qu’elles sont exprimées, selon elle, dans les Écritures et les enseignements traditionnels. Cette vue a été spécifiquement condamnée lors du Ve concile œcuménique en 553, bien que les détails exacts de ce qui a été condamné à propos d’Origène soient encore matière à débat parmi les historiens.

Les controverses autour d’Origène illustrent la tension dans la pensée chrétienne entre l’espérance universelle de salut et les affirmations scripturaires de la damnation éternelle pour certains. Bien que ses idées sur l’apocatastase aient été rejetées comme hérétiques, elles ont continué à influencer divers penseurs chrétiens et à alimenter les débats théologiques sur la nature du salut et de la Justice divine.

Le terme « apocatastase » vient du grec [ἀποκατάστασις] (apokatastasis), signifiant « rétablissement » ou « restauration ». Ce terme particulier est généralement rendu dans la littérature mystique hébraïque par Tiqoun klali [תיקון כללי], « réparation générale ».

Bien que je rapproche ici deux traditions bien indépendantes, on pourrait clairement rapprocher l’Apocatastase d’Origène du concept de Tiqoun Ôlam des kabbalistes. L’idée d’un retour à un état originel de perfection où tout est en harmonie avec la Lumière divine peut être vue comme analogue à l’Apocatastase, où toutes les âmes reviennent finalement à Dieu. Les kabbalistes, avec leur emphase sur le rôle actif des humains dans la Réparation du Monde, pourraient envisager cette Restauration comme un objectif ultime, similaire à la vision d’Origène où tout est réconcilié avec le divin.

Dans la Kabbale lourianique, il est enseigné que des étincelles de sainteté ont été dispersées à travers le monde matériel par suite de la « Brisure des vases » (Shvirath haKelim). Le devoir des adeptes est de récupérer ces étincelles pour restaurer leur état originel, ce qui contribue à la sanctification du monde. Ce processus peut être vu comme un parallèle à l’Apocatastase d’Origène, où chaque âme, même celles qui semblent perdues ou damnées, possède une étincelle divine qui peut être purifiée et restaurée à sa Gloire originelle. L’idée que rien n’est définitivement perdu ou au-delà de la Rédemption résonne avec la croyance en une Restauration finale de toutes les âmes.

La Kabbale enseigne que toutes les âmes et tous les aspects de la Création sont profondément interconnectés, formant un grand ensemble dont le destin est intrinsèquement lié. Cette vision d’une harmonie universelle s’aligne sur l’idée que l’ensemble de la Création progresse vers une réintégration finale et une réconciliation avec la Source divine. L’idée d’une harmonie finale où toutes les contradictions sont résolues et où chaque partie de la Création atteint la plénitude de son potentiel peut être vue comme un écho à l’Apocatastase, soutenant l’idée qu’à la fin des temps, tout sera rétabli dans l’état de justice et de pureté originel.

Bien que les cadres doctrinaux de la Kabbale et de la théologie chrétienne d’Origène soient distincts, les thèmes de la Réparation, de la Réintégration des âmes, et de la Sanctification universelle offrent des points de résonance qui peuvent être interprétés comme soutenant, d’une certaine manière, l’idée d’Apocatastase. Ces analogies montrent comment des traditions spirituelles diverses peuvent converger vers des visions similaires du destin ultime de l’humanité et du cosmos.

Origène et la Féminité du Saint-Esprit

Ainsi que je l’ai développé dans un article précédent (Le Féminin divin dans l’Esprit Saint), dans son interprétation des écritures, Origène a parfois décrit le Saint-Esprit en termes féminins, s’appuyant sur le genre grammatical des mots utilisés dans les textes hébreux et syriaques pour « esprit » (רוח, rouaħ), qui est féminin. Par exemple, dans l’Évangile apocryphes des Hébreux, une source qu’Origène cite souvent, le « Sauveur » dit : « Ma mère, le Saint Esprit, m’a pris par un de mes cheveux et m’a emporté sur la grande montagne de Thabor. » (Commentaire sur Jean 2:6) Cette image maternelle du Saint-Esprit illustre comment Origène a pu percevoir une dimension féminine en Dieu, en parallèle avec la Kabbale où des attributs féminins sont également assignés à la divinité.

En effet, dans la littérature Kabbalistique, la Shekhinah est regardée comme l’expression féminine de Dieu, représentant sa Présence immanente dans le monde. Imma, la Mère, d’autre part, désigne selon le code du Zohar la sefirah Binah. Ces concepts soulignent l’idée que le divin englobe des qualités à la fois masculines et féminines, formant un équilibre essentiel dans l’existence.

Ces parallèles entre les enseignements d’Origène et ceux de la Kabbale suggèrent une vision plus intégrée et moins polarisée de la divinité, où les aspects masculins et féminins sont essentiels pour la complétude spirituelle. Les kabbalistes, comme Origène, envisagent un cosmos où les forces masculines et féminines doivent coexister harmonieusement pour maintenir l’équilibre de l’univers.

Les idées d’Origène sur la féminité du Saint-Esprit, parallèlement aux notions de Imma et Shekhinah en Kabbale, enrichissent notre approche de la complexité de la divinité. Ces concepts offrent une plateforme pour reconsidérer les rôles de genre dans la spiritualité et reconnaître la valeur des attributs féminins dans la compréhension divine.

Et si … ?

En rédigeant cet article, je me suis interrogé sur le devenir d’un monde où les idées d’Origène auraient dominé sans être sanctionnées, lors du Concile de Constantinople, tenu du 5 mai au 2 juin 553. Le christianisme aurait pu évoluer vers une religion plus ouverte, universelle et intégrative, embrassant des aspects de mysticisme et de pluralisme théologique. Ces changements auraient pu non seulement transformer la structure interne du christianisme mais également influencer de manière significative ses relations avec d’autres religions, notamment le judaïsme, potentiellement conduisant à une coexistence plus harmonieuse et à des échanges interreligieux plus profonds et respectueux. Et sans doute, notre monde actuel serait très différent, car il reposerait sur une tout autre histoire, la théologie du Christianisme serait franchement différente.

Voici quelques points projetés, si…

Universalisme et Apocatastase

Si la doctrine de l’apocatastase d’Origène avait été adoptée, cela aurait radicalement changé la perspective chrétienne sur le Salut. La croyance en la restauration finale de toutes les âmes à Dieu aurait promu une vision plus inclusive et universelle du Salut, potentiellement diminuant l’accent sur l’enfer éternel et la damnation.

Préexistence des âmes et Transmigration

L’acceptation de la préexistence des âmes et de la transmigration aurait pu introduire une dimension presque orientale au christianisme, influençant profondément la compréhension chrétienne de la vie, de la mort et du destin de l’âme. Cela aurait également pu encourager une approche plus philosophique et moins dogmatique de la religion.

Connaissances ésotériques et mysticisme

Origène était également réputé pour sa méthodologie allégorique et ses enseignements ésotériques. Une Église qui embrasse ces aspects aurait pu être plus mystique et symbolique, valorisant les expériences spirituelles intérieures et la quête individuelle de la connaissance divine.

Pratique et la Liturgie

La liturgie et la pratique religieuse auraient pu intégrer davantage de dimensions méditatives et contemplatives, avec un fort accent sur l’interprétation spirituelle des Écritures plutôt que sur la lettre. La formation des clercs et la vie monastique auraient peut-être inclus l’étude approfondie des textes mystiques et une vie de prière plus contemplative.

Relations avec le Judaïsme

Avec des doctrines comme l’apocatastase et la transmigration, qui peuvent trouver des échos dans certaines traditions mystiques juives, notamment la Kabbale, les bases pour un dialogue interreligieux auraient été plus fortes. Le christianisme aurait pu être vu moins comme une rupture avec le judaïsme et plus comme une continuation ou une branche parallèle de la tradition abrahamique.

Un intérêt accru pour les interprétations allégoriques et mystiques des Écritures aurait pu mener à une acceptation des textes juifs et de leur exégèse, potentiellement conduisant à une plus grande appréciation et un respect mutuel entre les traditions chrétiennes et juives.

L’adoption de perspectives plus diversifiées sur la nature de Dieu, y compris l’acceptation des aspects féminins de la divinité, aurait pu rapprocher les chrétiens des concepts juifs de Shekhinah, renforçant une vision partagée de la diversité dans l’unité divine.

 

Il serait tentant de croire que les enseignements d’Origène d'Alexandrie ont été oubliés de notre temps, mais, à y regarder de plus près, leur influence perdure encore, bien qu'elle se manifeste souvent de manière subtile. Au fil des années, à travers mon enseignement de la Kabbale et des textes hébreux de la Bible et de la mystique, j'ai été témoin de l’émergence d'un dialogue interconfessionnel enrichissant, qui rassemble Juifs et Chrétiens autour de ces thèmes. Cette union démontre que, avec un peu de bonne volonté, la compréhension mutuelle est non seulement possible mais aussi fructueuse. En observant l'enthousiasme des personnes de confession chrétienne pour l’hébreu, pour les interprétations ésotériques de la Torah dans sa langue originelle, et leur fascination pour les mystères de la Kabbale, je suis convaincu que l’esprit d’Origène est toujours vivant et actif parmi nous. Sans vraiment le savoir, ces « enfants d’Origène » passionnés, véritables héritiers modernes de sa pensée, continuent de faire vivre son héritage en cherchant une connexion plus profonde avec le divin.

 

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