Le Nouvel An des Arbres

Georges Lahy Par Le 23/01/2024 2

Tou-biShevat

ט״ו בִּשְׁבָט

25 janvier 2024

Tou-BiShevat, ou le 15 de Shevat, est l'anniversaire des arbres et des plantations. Il est souvent célébré en mangeant des fruits spécifiques.

Le 15 de Shevat est une porte ouverte vers un éveil de notre relation avec le monde. Dans la Kabbale, chaque élément de la création est un reflet du divin. L'arbre, avec ses racines fermement ancrées dans la terre et ses branches s'élevant vers le ciel, devient une métaphore vivante de l'aspiration de l'âme. Il nous enseigne la force de la croissance, la patience de la maturation, et la beauté de l'épanouissement.

À Tou-BiShevat, en dégustant les fruits de l'arbre, nous ne faisons pas que savourer des saveurs ; nous réveillons la sefirah de Tsadiq, le Fondement du monde. Ce rituel, loin d'être un simple acte de consommation, est un tiqoun, une réparation. À travers cette célébration, nous réparons et sanctifions notre relation avec la terre, reconnaissant l'interconnexion de toute vie.

Ce jour de Tou-BiShevat, nous convie à méditer, afin que les fruits que l’on déguste soient des messagers de sagesse, des supports de contemplation. Un appel à reconnaître et à honorer notre lien avec la nature, un rappel que nous sommes gardiens de la Terre et de ses dons. En célébrant les arbres, nous célébrons la vie elle-même, dans toute sa complexité et sa magnificence.

Cette célébration lunaire est connue comme le « Nouvel An des arbres » dans la littérature rabbinique. La Mishnah Rosh Hashanah 1:1 détaille les quatre différents « Nouvel An » du calendrier juif et explique l'objectif unique de chacun d'entre eux.

À quatre époques diverses de l’année, celle-ci est supposée commencer, savoir : au 1er Nissan, c’est le nouvel-an pour les règnes et les fêtes. Au 1er Eloul, commence l’année pour la dîme des animaux ; selon R. Eliézer et R. Simon, cette dernière a lieu au 1er Tishri. A cette même date, c’est le nouvel-an pour l’année civile, les années de repos agraire (la 7e de la période septennale), les jubilés, les nouveaux plants, les légumes verts. Enfin, le 1er Shevat est le nouvel-an des arbres, selon l’école de Shammaï ; mais selon l’école de Hillel, c’est seulement le 15 Shevat.

Un rituel kabbalistique pour Tou-BiShevat a été intégré dans la tradition, avec des aliments symboliques et une liturgie définie. L'introduction du Pri Êts Hadar, un guide pour le rituel de Tou-BiShevat, explore les implications spirituelles du rituel, soulignant sa signification mystique dans la tradition kabbalistique.

Le Pri Êts Hadar est un ouvrage anonyme de l’école du Arizal. On y trouve l’explication du tiqoun des fruits :

Bien que le 15 Shevat se situe pendant les « jours des Shovavim », ce n'est pas un jour de jeûne, puisque c'est le jour de l'an pour les fruits de l'arbre. Par le tiqoun qui est accompli ce jour-là avec les fruits, la sefirah Tsadiq ħaï haôlamim (Tsadiq, vivant des mondes : Yessod) est éveillée. Ce mystère est mentionné dans le Zohar, Beréshith (1:33a) : « Le troisième jour, la terre produisit des fruits à partir de la puissance du Tsadiq. Comme il est écrit : ‘Et Élohim dit : que la terre produise... des arbres fruitiers qui produisent des fruits...’ ‘Arbres fruitiers’ (êts pri) fait référence à ‘l'Arbre de la Connaissance du bien et du mal’ qui porte des fruits, et les arbres fruitiers qui produisent des fruits font référence au Tsadiq, le Fondement du monde (Yessod Ôlam). »

C'est une bonne coutume pour les parfaits (tamim) de manger beaucoup de fruits en ce jour et de les célébrer par des paroles de louange, comme je l'ai enseigné à mes compagnons.

Une célébration écologique

La préservation des arbres et des végétaux en général est commandée par la Torah. Il est écrit dans le Livre du Deutéronome (20:19-20) :

Si tu es arrêté longtemps au siège d’une ville que tu attaques pour t’en rendre maître, tu ne dois cependant « pas en détruire les arbres » [לֹא־תַשְׁחִית אֶת־עֵצָהּ] en portant sur eux la hache : ce sont eux qui te nourrissent, tu ne dois pas les abattre. Car l’arbre du champ c’est l’humain, tu l’épargneras dans les travaux du siège. Seulement, l’arbre que tu sauras n’être pas un arbre fruitier, celui-là tu peux le sacrifier et l’abattre, pour l’employer à des travaux de siège contre la ville qui est en guerre avec toi, jusqu’à ce qu’elle succombe.

Prière pour les arbres

אָנָּא יְהֹוָה הוֹשִׁיעָה־נָא הַיּוֹם הַזֶּה לָאִילָן הוּא רֹאשׁ הַשָּׁנָה.

Ana HaShém hoshiyah-Na, hayom hazéh – laïlan hou rosh hashanah

De grâce, Hashém, sauve-nous en ce jour - pour l’arbre, c'est la nouvelle année.

אָנָּא יְהֹוָה הַצְלִיחָה־נָא הַיּוֹם הַזֶּה לָאִילָן הוּא רֹאשׁ הַשָּׁנָה.

Ana HaShém hatsliħah-Na, hayom hazéh – laïlan hou rosh hashanah

De grâce, Hashém, accorde-nous le succès en ce jour – pour l’arbre, c'est la nouvelle année.

אָנָּא יְהֹוָה הַרְוִיחָה־נָא הַיּוֹם הַזֶּה לָאִילָן הוּא רֹאשׁ הַשָּׁנָה.

Ana HaShém harviħah-Na, hayom hazéh – laïlan hou rosh hashanah

De grâce, Hashém, accorde-nous le soulagement en ce jour – pour l’arbre, c'est la nouvelle année.

אָנָּא יְהֹוָה הֵטִיבָה־נָא הַיּוֹם הַזֶּה לָאִילָן הוּא רֹאשׁ הַשָּׁנָה.

Ana HaShém hétivah-Na, hayom hazéh – laïlan hou rosh hashanah

De grâce, Hashém, accorde-nous la bonté en ce jour – pour l’arbre, c'est la nouvelle année.

אָנָּא יְהֹוָה בָּרֵךְ־נָא הַיּוֹם הַזֶּה לָאִילָן הוּא רֹאשׁ הַשָּׁנָה.

Ana HaShém barék-Na, hayom hazéh – laïlan hou rosh hashanah

De grâce, Hashém, bénis-nous en ce jour – pour l’arbre, c'est la nouvelle année.

La sève et la lymphe

Comme la sève qui s'éveille au cœur des arbres à Tou-BiShevat, annonçant le renouveau printanier, la lymphe circule en silence dans les veines de notre être. Cette montée de sève est un miracle discret, une métamorphose silencieuse qui insuffle vie et verdure aux branches nues. De même, la lymphe, fluide vital, parcourt notre corps, portant en elle les éléments essentiels à notre santé et notre équilibre.

Dans cet acte naturel, nous trouvons une parabole kabbalistique : tout comme l'arbre s'éveille de l'intérieur, puisant dans ses racines la force de sa croissance, notre âme aussi se nourrit d'une source intérieure, invisible à l'œil mais palpable dans son effet. La sève, monte et se diffuse dans l'arbre, apportant avec elle la promesse d'une nouvelle vie, de fruits à venir. De la même manière, la lymphe, dans sa circulation discrète, maintient l'équilibre et purifie notre corps, nous rappelant la nécessité d'une harmonie intérieure.

En méditant sur ce parallèle, nous sommes invités à contempler la sagesse cachée dans les shemitoth (cycles naturels). Chaque Tou-BiShevat, les arbres nous enseignent la résilience et la régénération ; de même, notre propre corps, avec le rythme constant de la lymphe, nous enseigne la nécessité de prendre soin de notre être intérieur, de purifier notre esprit comme notre corps.

La montée de la sève est un symbole de l'éveil spirituel. Elle représente l'ascension de la conscience, la quête de l'âme vers sa source, vers un état plus élevé de conscience et de connexion. Comme la sève nourrit l'arbre et lui permet de fleurir, nos expériences, nos pensées et nos aspirations nourrissent notre âme, nous permettant de grandir et de nous épanouir.

En célébrant Tou-BiShevat, nous célébrons donc non seulement les arbres et la nature, mais aussi notre propre croissance intérieure. Nous sommes invités à reconnaître et à honorer le shefâ qui circule en nous, tout comme dans les arbres. Cette prise de conscience nous rapproche de la nature, dont nous sommes une partie intégrante de ce monde vivant, connectés à chaque arbre, à chaque brin d'herbe, par le miracle de la vie.

La lymphe, limfah [לִימְפָה], en hébreu, un mot qui inspire la diffusion du flux des eaux, pour dire de respirer et de diffuser le shefâ, assurément profitable à la lymphe. Car on pourrait lire limfah [לִימְפָה], layam péh [לַיָם פֶּה], « bouche de la mer ». Une expression pouvant être utilisée littéralement pour désigner l'endroit où un cours d'eau rencontre la mer, comme l'embouchure d'un fleuve, ou bien elle pourrait être employée de façon métaphorique pour exprimer la diffusion par le verbe ou le souffle de la bouche.

Commentaires

  • kennedy

    1 kennedy Le 23/01/2024

    Merci pour cette enseignement .
    Sur "France2" , en replai , le 21.01.2024 , Steve Suissa et le rabbin Michael Journo font justement état de cette féte de Tou Bichvat , l'aube de l'écologie .
    Une synthése de 15 mn qui invite justement mème les non juif a s'y associer . Juste pour info !!
  • isabelle

    2 isabelle Le 25/01/2024

    Merci Georges pour toute cette beauté que vous transmettez avec passion et beaucoup de sagesse. Je découvre tout ceci par petites touches et suis à chaque fois bouleversée intérieurement!

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