Dans les textes mystiques de la Kabbale, le concept du « Nid de l’Oiseau » [קַן צִפּוֹר] (Qan tsipor) émerge comme une métaphore riche et profondément symbolique, incarnant la Présence et l’attente du Messie. Ce nid, interprété à travers divers passages du Zohar, se révèle comme un espace saint, un lieu de transition et de transformation spirituelle où se manifeste la potentialité de l’Être.
Le Séfér haZohar, parashah Shémoth (II 8a), parle du nid de l’oiseau comme étant intimement lié au Siège céleste (Kourssia qadisha [כֻּרְסְיָיא קַדִּישָׁא]), le Trône saint, appelant ce lieu trois fois : le Nid, le Messie, et l’Ascension. « Jusqu’à ce que son Saint Siège soit appelée trois fois ce nid d’oiseau, et le Messie, et tout s’élève au-dessus, et ils disent du Saint, béni soit-Il, pour transmettre le Royaume vivant au monde... et ce Nid d’oiseau et le Messie à son lieu. Et le Messie est caché là comme dans les temps anciens. »
Dans cette optique, le Nid sert de demeure temporaire pour le Messie, symbolisant une attente cachée mais chargée de potentialités. Cela est renforcé par d’autres passages qui associent le Nid à la protection et à l’éducation spirituelles. Le Zohar s’appuie sur le verset : « Si tu trouves sur ton chemin un nid d’oiseau, sur un arbre quelconque ou sur la terre, avec des petits ou des œufs, et la mère couchée sur les petits ou sur les œufs, tu ne prendras pas la mère avec les petits. » (Deutéronome 22:6). Il utilise le nid pour enseigner les principes de la Miséricorde matricielle et du respect de la vie, principes fondamentaux à la Révélation messianique.
De manière encore plus mystique, plus loin, toujours dans la parashah Shémoth, le Séfér haZohar identifie le Nid d’oiseau comme le lieu d’où proclame l’oiseau, symbolisant l’esprit. Ce lieu s’éveille quotidiennement dans le Jardin d’Éden, suggérant que le Nid est aussi un portail vers des états plus élevés de Conscience et de réalité spirituelle. Il est possible que l’auteur du Zohar ait observé la guimatria 526 de Qan tsipor [קַן צִפּוֹר] (Nid d’Oiseau), qui est aussi celle de moudâouth [מוּדָעוּת] (Conscience), mais aussi de Maħshavah êliyonah [מַחֲשָׁבָה עֶלְיוֹנָה] (Pensée suprême). On peut encore observer et ajouter que 526 est la guimatria de l’expression : Nahar yotsé méÉdén [נָהָר יוֹצֵא מֵעֵדֶן] (Fleuve qui sort de l’Éden).
Le concept du Nid d’oiseau est aussi exploré dans le Pardès Rimonim (23:19), où il est appelé « Nid de la Royauté » (Qan haMalkouth) [קַן הַמַּלְכוּת]. Il est dit que les poussins sont les six fils reposant par l’intermédiaire du Tiféréth, leur père, entre les seins de Malkouth, la mère. Cela illustre la manière dont les structures familiales et les interactions dans le nid reflètent les dynamiques célestes. Moïse Cordovéro révèle que le Nid de l’Oiseau est Métatron lui-même, ce qui signifie que Métatron, qui est "comme le Nom de son Maitre", est alors la demeure occulte du Messie, sa Royauté.
« Le Nid de la Royauté est appelé Nid. Les poussins sont les six fils qui reposent sur elle par l’intermédiaire du Tiféréth, leur père, qui réside entre ses seins. L’oiseau qui couvre les fils est la Binah, la Mère joyeuse de fils. Et comme c’est le cas pour la Binah, ainsi en est-il pour la Malkouth. Les poussins sont ses six ascensions, et son Nid est Métatron. Et à ce sujet, les Sages ont dit (Pirqéi Avoth 4) : ‘Ne regarde pas le récipient mais ce qu’il contient, car la Royauté est en son sein.’ Comme il est dit (Exode 23:21) : ‘Car Mon Nom est en son sein.’ Parfois, tout l’édifice est appelé Nid parce que ce sont les fils dans le Nid, et l’essence du Nid n’est ni les œufs ni les fils. Et ailleurs (Tiqounim, volume 6, page 19), Métatron est appelé le Nid de l’oiseau car durant les jours profanes, il est le Nid pour la Royauté (Malkouth) appelée Oiseau. »
En outre, dans les Tiqounéi ha Zohar, le Nid est décrit comme un lieu de protection et d’illumination. Les Tiqounéi ha Zohar (21a:4) explique que toutes les âmes sont appelées « oiseaux » à cause du Nid d’oiseau, « qui est la Mère Supérieure » (Binah). Cette association avec la « Mère Supérieure » souligne la dimension protectrice et nourricière du nid.
Dans l’eschatologie kabbalistique, le « Nid de l’Oiseau » transcende ainsi sa simple connotation de refuge pour les oiseaux, c’est celui des âmes. Il devient un symbole du renouveau messianique, un lieu où le divin et l’humain se rencontrent et se transforment. Ce nid n’est pas seulement un abri mais un espace saint où la Shekhinah se manifeste et d’où le Messie émergera, apportant avec lui une lumière qui réconcilie et rénove le monde.
Le « Nid de l’Oiseau », nous invite donc à contempler non seulement l’imminence de la rédemption, mais aussi la manière dont nous préparons et maintenons nos propres « nids » spirituels dans l’attente de transformations profondes et de révélations divines.
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