La colère est un feu ardent qui brûle au plus profond de la nature humaine, elle se présente comme un défi universel pour l’humanité. Elle peut nous consumer, nous aveugler et nous faire perdre notre chemin. Cependant, vue à travers le prisme des enseignements de la sagesse kabbalistique, la colère n’est pas un ennemi à combattre ou à supprimer. Elle représente plutôt une énergie brute, une force primordiale qui attend d’être raffinée, transformée et transmutée. À l’image des techniques mystiques du Tséirouf des lettres, par lesquelles un terme apparemment négatif peut se transmuter en une expression de lumière et de positivité, notre colère peut subir une métamorphose similaire. Cette pratique mystique nous enseigne que la transformation n’est pas seulement possible, mais qu’elle est inscrite dans la nature même de la Création.
Les Maîtres de la Sagesse kabbalistique nous enseignent que chaque trait de caractère, même ceux que nous percevons comme négatifs, contient une étincelle de sainteté. Notre tâche n’est pas d’éteindre le feu de la colère, mais de le raffiner jusqu’à ce qu’il devienne une source de lumière et de bien.
De ce point de vue, la domination de la colère et de la cruauté naît kabbalistiquement d’une défaillance ou d’une pénurie de Daâth (Connaissance). La colère est un cri silencieux de l’âme assoiffée de vérité. Elle pousse à chercher, à comprendre, à transcender la superficialité et à embrasser la profondeur.
La voie de la compassion
Cependant, cette quête de Connaissance n’est pas un chemin solitaire, la Raħamanouth [רַחֲמָנוּת] (Compassion) est la clé pour dompter le feu intérieur qui conduit à des actions regrettables et pousse à proférer des paroles qui parfois dépasse l’intention et la pensée. Il s’agit alors bien d’une perte de connaissance. La guimatria nous indique alors que la valeur 704 de la Raħamanouth [רַחֲמָנוּת] est l’antidote à la Lishana bisha [לִישָׁנָא בִּישָׁא] de même nombre, une expression araméenne qui signifie « langue honteuse ».
La Raħamanouth nous ouvre les yeux sur la lumière qui réside en chaque être. Elle permet de voir au-delà des apparences, de ressentir l’âme qui se cache derrière chaque visage, même celui qui a fait souffrir. C’est pourquoi, il faut s’appliquer, en connaissance de cause, à cultiver la Compassion, même envers ceux qui nous provoquent. Chaque fois que la colère (kaâss [כַּעַס]) menace de nous submerger, elle doit être transmuter en Raħamanouth, afin de considérer la situation sous un angle différent, à rechercher la Binah (Compréhension) plutôt que le Din (Jugement). Ceci, afin d’éveiller la Ħokhmah (Sagesse). De la sorte, lorsque Ħokhmah et Binah s’équilibrent et s’interconnectent, Daâth s’illumine, établissant ainsi le pont permettant de passer de la colère (kaâss) à la compassion (raħamanouth). La guimatria permet de nommer ce pont essentiel. Kaâss [כַּעַס], la colère, vaut 150 et Raħamanouth [רַחֲמָנוּת], la compassion, vaut 704. 704-150 = 554, valeur de Ahavath ôlam [אַהֲבַת עֹולָם], l’Amour du monde, que l’on peut aussi traduire par Amour éternel.
Canaliser la colère
La colère est une force puissante, mais elle peut être canalisée pour le bien. Les Maîtres proposent de simples clés pour transformer ce feu intérieur en source de lumière :
- L’étude de textes saints : Les lectures « positives », et l’étude d’un texte saint, attire la Connaissance, la colère est supprimée et la compassion et la paix sont attirées. Cette étude nourrit l’âme, connecte à la Ħokhmah et permet de voir le monde avec plus de clarté et de compassion.
- La Purification : La vie saine, la marche méditative, la respiration et l’évocation (chant) de Psaumes annule la colère, car cela attire la Connaissance. C’est la quête d’un renouveau intérieur permettant de laisser derrière soi les impuretés de l’âme, incluant la colère, et de se reconnecter à la Source de vie.
- L’Hitbodedouth et l’Hazkarah : Par la méditation et l’évocation des Noms et des sons saints, la colère est domptée et annulée. Cela offre à l’esprit un temps de repos et de connexion avec l’Infinie Lumière. Les humains doivent se souvenir qu’ils sont des êtres spirituels, et que la paix et la joie sont leur véritable nature.
Cette démarche invite à un voyage intérieur, à la rencontre de notre feu intérieur, à la transformation de la colère en lumière. C’est un chemin qui demande patience, persévérance et une volonté profonde de se connecter à notre part d’Infini. Mais la récompense est immense : la paix intérieure, la compassion envers soi et les autres, et la joie d’une vie éclairée par l’Infinie Lumière.
La colère réveille l’Accusateur
Le kabbaliste apprend à ne pas réveiller la colère, car il est conscient que cela revient à réveiller le Qatréga [קָטְרֵגָא], l’Accusateur, ou Méqatrég hagadol [מְקַטְרֵג הַגָּדוֹל], le Grand Accusateur. Le Qatréga (personnifié par Ésaü et Édom) représente l’influence des Qlipoth, des forces négatives et impures qui tentent de nous éloigner de la plénitude divine. Le Qatréga nourrit les Qlipoth en nous poussant à la déconnexion spirituelle et en nous faisant créer un « ego » artificiel qui nous fait oublier notre vraie nature. Cependant, le Qatréga est aussi un révélateur de l’impureté et un testeur de notre résistance. Il nous met à l’épreuve, et selon notre réaction, il peut nous conduire à la Justice divine ou à l’illusion. En fin de compte, le Qatréga est un aspect complexe et paradoxal du chemin spirituel, un guide et un obstacle à la fois, tout comme peut l’être la colère.
Nous devons donc apprendre à naviguer dans les eaux tumultueuses de la colère, en aspirant à la transcender et à embrasser l’Infinie Lumière qui réside en nous.
La colère, bien qu’une force puissante, peut être transformée en un vecteur de compassion, de paix et de lumière.
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