La langue est une passerelle vers la compréhension spirituelle. Dans la Kabbale, la notion de l’Esprit, traduite du terme hébreu rouaħ [רוח], est intrinsèquement féminine, une subtilité souvent éclipsée par sa traduction en « esprit », un mot masculin en français. Pour un kabbaliste, comprendre cette nuance féminine est essentiel pour appréhender la plénitude de l’Esprit Saint, qui est une expression du Souffle de vie féminin présent en toute chose.
Rouaħ et ses implications théologiques
Le mot rouaħ [רוח] est grammaticalement féminin en hébreu, ce qui enrichit la dimension de l’Esprit Saint avec des attributs féminins. Cette perspective diffère radicalement de celle de la tradition chrétienne où l’Esprit (πνεῦμα, pneuma en grec) est neutre, mais souvent conceptualisé dans un cadre plus masculin. Cette distinction de genre souligne comment les interprétations peuvent diverger significativement en fonction des langues et des contextes culturels.
La Shekhinah et l’Esprit Saint
Du point de vue kabbalistique, la Shekhinah incarne la Présence divine immanente, assimilée à l’Esprit Saint ou Rouaħ haQodésh. Cette association éclaire l’aspect féminin fondamental de la divinité, incarnant à la fois maternité et création. Il est couramment perçu, voire reproché, que dans la formule chrétienne « Père, Fils et Saint-Esprit », le féminin serait omis. Cependant, pour un kabbaliste, le Saint-Esprit manifeste précisément le féminin, fusionnant en un Souffle divin la Mère et la Fille, symbolisées par les deux lettres Hé du tétragramme Yhwh, tandis que le Yod et le Vav représentent le Père et le Fils.
Reconnaître la dimension féminine de l’Esprit Saint pourrait radicalement transformer la spiritualité chrétienne, souvent envisagée sous des aspects principalement masculins. Une telle prise de conscience favoriserait une compréhension plus holistique de la divinité, reflétant la diversité et l’unité de la Création. Évoquer « l’Esprit Saint » avec Kavanah, une intention consciente de sa nature féminine, enrichirait l’expérience de prière et de méditation, rapprochant ainsi les croyants d’une perception plus intégrale du divin.
Ainsi, il est essentiel pour un chrétien d’infuser une intention d’évocation du féminin lorsqu’il prononce « Saint Esprit ». Cette démarche deviendrait presque instinctive si le terme était exprimé en araméen, la langue de Jésus, réaffirmant ainsi le caractère féminin profondément enraciné dans cette expression. La formule « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », peut se formuler en araméen : BeShém Abba ouVra veRouħa qadisha [בְּשֵׁם אַבָּא וּבְרָא וְרוּחָא קַדִּישָׁא]. La Rouħa qadisha étant la forme araméenne du Saint-Esprit, donc de la Shekhinah. La Kavanah lorsqu’on le prononce est donc une connexion à la sainteté du féminin et le kabbaliste connecte en lui les sefiroth Binah et Malkouth. Par conséquent, une traduction féminine plus juste de Rouħa qadisha pourrait être : « Brise sainte », donc : « Au nom du Père, du Fils et de la Sainte Brise ».
Dans son ouvrage « Les deux visages de l’Un », Charles Mopsik (page 54) renforce cette idée, révélant des liens entre les conceptions juive et chrétienne de l’Esprit comme féminin, illustré par des références aux écrits d’Origène sur l’Évangile des Hébreux.
Pour conclure, l’importance de la dimension féminine dans la spiritualité n’est pas juste une question de langage, mais une porte vers une expérience plus riche et équilibrée du divin. En explorant et en valorisant ces aspects souvent négligés, nous pouvons aspirer à une forme de spiritualité qui embrasse pleinement la diversité inhérente à toute création. Cette constatation invite à une redécouverte du féminin dans la spiritualité, non seulement enrichissant le dialogue interconfessionnel mais aussi approfondissant notre propre connexion avec le divin.
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