La Musique des Sphères

Georges Lahy Par Le 02/12/2024 0

Un Chemin vers l’Infini 

La Kabbale, toujours vibrante de sagesse, nous invite à regarder au-delà du voile des apparences matérielles pour entendre la mélodie secrète de l’univers. Chaque être, chaque événement, chaque vibration participe à une symphonie cosmique où l’Être Infini se révèle à travers les harmoniques de la Création. Au cœur de ce concert universel, la musique se dresse comme une échelle céleste, une voie sainte pour élever l’âme et guérir les mondes.

La Musique, Langage du Divin

Dans le Likoutéi Moharan, Rabbi Naħman de Breslev éclaire l’âme sur la puissance de la musique sainte, ou neguinah diqdoushah [נְגִינָה דִּקְדֻשָּׁה] : « Par la musique sacrée, on établit et élève le Royaume de la Sainteté, et on mérite l’élévation spirituelle » (101:3). Cette musique n’est pas une simple composition humaine, mais un écho des sphères supérieures. Elle reflète l’harmonie universelle et nous offre un accès direct à l’Éin-Sof, l’Infini. Les maîtres de la Kabbale nous enseignent que chaque vibration sainte répare les mondes supérieurs et inférieurs, élevant les fragments de Lumière dispersés et en errance dans la Création.

L’expression Neguinah diqdoushah [נְגִינָה דִּקְדֻשָּׁה], signifiant « musique sacrée », possède une guimatria de 531, laquelle évoque la fraternité universelle et l’union des cœurs. En effet, cette valeur est également celle de Aħim balév ouvanéfésh [אַחִים בַּלֵּב וּבַנֶּפֶשׁ], « frères dans le cœur et dans l’âme ». Par son essence, cette musique « renouvelle l’esprit » (Rouaħ ħadashah [רוּחַ חֲדָשָׁה]), insufflant une tenouâh [תְּנוּעָה], un « mouvement » des voyelles qui résonne jusque dans les profondeurs du Ôlam Âssiah [עֹולָם עֲשִׂיָה], le « Monde de l’Action ». Tous de même valeur.

Ainsi, jouer ou écouter de la musique dans un esprit de pureté et de dévotion devient un acte de Tiqoun, une réparation cosmique. Le texte va jusqu’à affirmer qu’elle ouvre la porte à la prophétie : « Par la musique sacrée, on peut atteindre un niveau de prophétie, car l’essence de l’attachement à Dieu passe par la musique ».
La musique sacrée n’est donc pas seulement un outil, mais un état de communion où l’âme s’accorde avec le Ratson, la Volonté divine, dévoilant les secrets enfouis du monde.

De façon plus philosophique, si on accorde la vision de Naħman de Breslev avec celle de Maïmonide, dans ce cas la musique, canal de prophétie, devient l’instrument de l’Intellect-Agent.

Le Danger de la discordance

Mais là où la musique peut élever, elle peut aussi détruire. Rabbi Naħman met en garde contre la neguinah disitra aħara [נְגִינָה דְּסִטְרָא אַחֲרָא], la musique sacrée de l’Autre côté, celle qui naît de l’orgueil, de l’avidité ou de la vanité : « Les chantres et les musiciens du côté impur endommagent le Royaume de la Sainteté et prolongent l’exil ».
Cette musique, née de motivations égoïstes ou matérialistes, éloigne l’auditeur de la Lumière de l’Être universel et l’entraîne dans des profondeurs obscures où l’harmonie est rompue. Elle est une fausse note dans le chant sacré du cosmos, perturbant les âmes et allongeant la distance entre le monde et son Créateur.

Cependant, la Kabbale nous enseigne également que tout ce qui est brisé peut être réparé. Les mélodies impures peuvent être transformées par la conscience et l’intention. Les justes, par leurs chants élèvent et purifient même les énergies dissonantes du monde.

La Clé de la Musique sacrée : l’Intention

Le critère fondamental qui distingue la musique sacrée de la musique profane est l’Intention (Kavanah). Lorsqu’un musicien joue pour glorifier l’Infini, il devient un canal de lumière, un pont entre le ciel et la terre. Le texte suggère même que l’étude nocturne des textes sacrés et la méditation peuvent protéger l’âme des influences négatives de la musique impure : « La correction contre les dommages de la musique du côté impur se fait par l’étude du Talmud la nuit ». Cette pratique fortifie l’esprit et affine l’oreille intérieure, permettant de discerner les vibrations sublimes des bruits trompeurs.

La Musique comme Réparation et Puissance

La musique sacrée a également une fonction alchimique : celle d’adoucir les jugements divins. « Par la musique, les jugements sont adoucis, et les forces destructrices sont transformées » (101:42). Rabbi Naħman va plus loin en décrivant comment la maîtrise de la musique peut littéralement transformer le destin, symbolisée par la capacité de « donner la vie à l’un et la mort à l’autre ». Cette image puissante illustre le potentiel de la musique à canaliser le Shefâ pour rétablir l’équilibre et restaurer l’harmonie.

L’importance du Tiqoun haBrith [תִּקּוּן הַבְּרִית], la Correction de l’Alliance, est également soulignée. Par ce processus spirituel, la voix devient un vecteur de lumière, et les chants du juste agissent comme des prières incarnées : « Par la correction de l’alliance, la voix de son chant est purifiée, devenant un instrument par lequel Dieu voit nos souffrances et nous sauve » (101 :27).

Écouter et Résonner avec la Musique des Sphères

La musique, comme l’explique Rabbi Naħman, a le pouvoir de réveiller l’âme, d’éveiller la joie et de conduire à l’Union mystique (Dveqouth). Les sons purs, joués « leShém shamayim » (Au Nom des cieux), ouvrent les portes de la perception et nous rappellent les résonances subtiles de la Création. Ils révèlent les allusions que l’Être infini nous envoie chaque jour pour nous rapprocher de Lui (101:54).

Ainsi, chaque note jouée avec pureté et amour devient un rayon de lumière dans le tissu cosmique. Dans le tumulte de ce monde, il nous appartient d’écouter attentivement, de choisir les mélodies qui nourrissent notre âme et nous rapprochent de l’Infini.

La Mélodie de l’Unité

La musique sacrée est un acte de création, une invitation à rétablir l’unité originelle du monde. En écoutant et en jouant avec discernement, nous pouvons devenir les résonateurs d’une symphonie universelle, participants actifs dans la Réparation du monde (Tiqoun Ôlam). La musique des sphères, éternelle et transcendante, continue de vibrer en nous, appelant chaque âme à s’harmoniser avec le chant infini du Créateur.

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