La discipline

Georges Lahy Par Le 08/01/2024 6

"Mishmaâth", la "discipline"

La quête de la discipline spirituelle, librement consentie, est un voyage vers l'intérieur, où chaque pas est un acte de foi et chaque souffle, une méditation. Mishmaâth, ou la discipline en hébreu, est intrinsèquement liée à l'acte d'écouter, ancrée dans la racine "shémâ", qui signifie entendre. Cette connexion nous révèle que la véritable discipline est une écoute attentive, un dialogue continu entre l'âme et le divin.
Dans les pages du Talmud Érouvin 10, où il est dit éinah mashmaâth éth haqol [אֵינָהּ מַשְׁמַעַת אֶת הַקּוֹל], « on n’entend pas le son », nous sommes invités à réfléchir sur la nature de notre propre écoute. Être disciple, c'est embrasser une écoute profonde, où chaque murmure de l'univers devient un enseignement. La récitation de la prière du "Shémâ Israël" n'est pas seulement un acte de foi, mais un rappel quotidien de la nécessité d'écouter, de s'ouvrir à la sagesse qui nous entoure. 
Dans le second Livre de Samuel, la discipline est associée à la loyauté et au courage, comme le montre l'exemple de Benaya, membre de la garde rapprochée de David. Ce n'est pas seulement l'obéissance qui est valorisée ici, mais la capacité d'être pleinement présent, alerte et prêt à répondre à l'appel du devoir. La discipline est ainsi vue comme une vertu, un pilier qui soutient l'intégrité et la résolution. « Des 30, il était le plus honorable, mais il n’égala pas les trois et David l’affecta à sa Disciple (mishmâto) » [מִן־הַשְּׁלֹשִׁים נִכְבָּד, וְאֶל־הַשְּׁלֹשָׁה לֹא־בָא; וַיְשִׂמֵהוּ דָוִד אֶל־מִשְׁמַעְתּו]. Ici, la « discipline » est la garde rapprochée, à l’écoute, prête à réagir promptement.
Cette discipline donne un sens et une direction à l'existence, elle est le terreau sur lequel la Kavanah, l'Intention, peut s'épanouir. Elle n'est pas une contrainte, mais une libération, permettant à l'individu de se transcender, de trouver un écho à sa véritable vocation. La discipline devient alors synonyme de liberté, une liberté de choisir consciemment son chemin, de vivre pleinement chaque moment.
Adam memoushmâ [אָדָם מְמֻשְׁמָע], la personne disciplinée, n'est pas un serviteur aveugle, mais un gardien vigilant de son propre jardin intérieur. Il est à l'écoute, pas seulement des commandements, mais de l'harmonie subtile de la création. Les mitsvoth ne sont pas des contraintes, mais des invitations à entrer dans une danse sacrée, où chaque mouvement est un acte de dévotion, chaque geste, une prière. Une Kabbale de la discipline : « Pourquoi ne pas comprendre cela simplement, dans le sens d'accepter la discipline (qabalath mishmaâth) des mitsvoth ? »
Philon d'Alexandrie nous rappelle que, tout comme les murs d'une maison protègent le corps des intempéries, la discipline et la connaissance sont le refuge de l'âme. Elles sont les vêtements qui la couvrent, la préservent et en révèlent la beauté. Ainsi, la discipline n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre une compréhension plus profonde, une connexion plus intime avec le tissu même de la réalité.
Enrichir notre acceptation de la discipline (qabalath mishmaâth), c'est ouvrir notre cœur et notre esprit à une écoute plus profonde, à une présence plus totale. C'est reconnaître que chaque moment est une opportunité de croissance, chaque défi, une invitation à approfondir notre engagement envers notre chemin spirituel. La discipline librement consentie n'est pas un fardeau, mais un cadeau, une clé qui ouvre les Portes de l’Intelligence.

Variations numériques de la Discipline

Au commencement, "était Tohu-Bohu" [הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהו], tout était chaos et vide, et dans ce vide naquit l'opportunité d'une Création, d'un ordre nouveau. Tel est le chemin de l'âme dans sa quête spirituelle, un chemin où la "discipline" est la lumière qui éclaire la voie, où la "Discipline" [מִשְׁמַעַת ], n'est pas une contrainte, mais la Libération des chaînes du chaos.

Dans ce périple éternel vers la Connaissance, nous embrassons la  "Compréhension qui n’a pas de fin" [הַשָגָה שֶׁאֵין לְסֹוף]. Car c'est dans l'éternel apprentissage et dans la "discipline" de l'esprit que nous trouvons la richesse qui dépasse toute la "Richesse spirituelle" [עוֹשֶׁר רוּחָנִי]. Elle est le trésor caché pour celui qui marche avec persévérance sur les sentiers intiatiques, "Car droits sont les chemins de Yhwh" [כִּי־יְשָׁרִים דַּרְכֵי יְהוָה].

Mais, disiciple, souviens-toi que dans la quête de la lumière, il y a ceux qui murmurent "c’est fini, il n’y a pas d'avenir" [זֶה נִגְמַר אֵין עָתִיד]. Ces voix ne sont que des échos du désespoir, des illusions qui cherchent à ébranler la structure même de notre discipline et de notre foi. À ces voix, nous répondons avec la certitude que notre chemin est perpétuel "Jusqu’à la venue du Messie" [עַד בִּיאַת הַמָּשִׁיחַ], un chemin vers une rédemption éternelle.

Dans la symphonie universelle des lettres saintes, chaque note est une étincelle de la création. "Les 22 lettres" [כ״ב הָאוֹתִיּוֹת], portent en elles le secret d'un univers à découvrir. Chaque lettre est un pas, chaque mot est une marche, et chaque phrase est un palier sur l'escalier de la spiritualité, où "Intérieur et extérieur, âme et corps" [פְּנִימִי וְחִיצוֹן נְשָׁמָה וְגוּף], sont unifiés dans une danse céleste.

Dans la "discipline" de notre voyage, nous trouvons les "Racines" [שׇׁרָשִׁים ] de notre être, les fondements de notre âme, là où chaque action est une "Teshouvah Kabbalah" [תְשׁוּבָה קַבָּלָה], un retour vers le divin, un retour vers l'essence même de notre existence.

Ainsi, la discipline dans le cheminement spirituel n'est pas un fardeau, mais la clé qui ouvre les portes de l'Infini, là où la vie et la prise de conscience dansent ensemble dans l'éclat de la Vérité éternelle. Elle est la bénédiction énoncée avec : "Et bénis soit Ton Nom pour toujours et à jamais" [וַאֲבָרְכָה שִׁמְךָ לְעוֹלָם וָעֶד], une prière qui résonne à travers les âges, un écho de notre quête inlassable pour l'Infinie Lumière.

Dans ce texte, les expression hébraïques ont toutes une guimatria de 850, valeur de "mishmaâth" [מִשְׁמַעַת].

La Discipline à travers la Sagesse Kabbalistique et Talmudique

Dans le labyrinthe mystique de la Kabbale, la discipline n'est pas perçue comme une contrainte, mais comme un moyen d'élever l'âme vers des sphères plus élevées d'éveil et de connexion avec l'EinSof. La structure même l'Édifice mystsique, avec ses Sefiroth interconnectées, symbolise un chemin de vie où la discipline agit comme un guide, orientant l'âme à travers les sentiers sinueux de l'existence vers la lumière de l'Ein Sof, l'infini. Chaque acte, chaque pensée, chaque parole est imprégnée de l'intention de se rapprocher du divin, de transformer le chaos en ordre, le Tohu Bohu en harmonie.

 Les kabbalistes et les érudits talmudiques doivent faire montre d'une discipline de pensée remarquable, analysant et débattant chaque aspect de la loi et de l'éthique avec une précision et une rigueur méticuleuses. C'est un monde où la discipline ne se limite pas à l'acte, mais imprègne la pensée elle-même, où chaque question et chaque réponse sont des marches sur l'escalier du développement spirituel et moral.

La Pensée de Spinoza : Un Écho Moderne de la Sagesse Ancienne

Baruch Spinoza offre une résonance moderne aux échos de la sagesse kabbalistique et talmudique. Bien qu'excommunié de sa communauté juive, les racines de sa pensée sont profondément ancrées dans le judaïsme, et sa philosophie peut être vue comme un dialogue continu avec ses origines spirituelles. Pour Spinoza, Dieu et la Nature sont un, une substance infinie dont nous sommes tous des parties. Cette compréhension mène à une discipline de la vie où la liberté n'est pas l'absence de contrainte, mais la compréhension et l'acceptation de l'ordre naturel des choses.

La discipline, dans la pensée de Spinoza, est une voie vers la béatitude, un état de joie et de paix intérieure qui vient de la compréhension de notre place dans le cosmos. Elle est une quête de la sagesse, un amour de la vérité qui nous libère des chaînes de l'ignorance et de la superstition. La vertu, pour Spinoza, n'est pas un fardeau, mais la plus grande liberté, car elle est l'expression de l'âme en harmonie avec l'ordre éternel de l'univers.

La Discipline, un Pont entre les Mondes

La discipline, qu'elle soit éclairée par la lumière mystique de la Kabbale, structurée par la rigueur talmudique, ou élargie par la vision panthéiste de Spinoza, est finalement un chemin vers une compréhension plus profonde de nous-mêmes et de l'univers. Elle est à la fois une quête personnelle et une marche vers une harmonie collective, un fil d'or tissé à travers le tissu de notre être, unissant le ciel et la terre, l'esprit et la matière, l'individu et l'infini.

Dans cette exploration de la discipline à travers divers prismes de la pensée, loin d'être une série de contraintes, la discipline est une libération, une ouverture vers une existence plus riche et plus éclairée. Elle est la clé qui ouvre les portes de la Sagesse, le chemin qui mène à la liberté véritable, et la lumière qui illumine le chemin de notre voyage éternel vers la compréhension et l'harmonie.

"La Discipline rend Libre"

Commentaires

  • Banshee

    1 Banshee Le 08/01/2024

    Texte magnifique sur cette vertu secondaire qui a si mauvaise réputation. Et pourtant.
    Comme tu le dis si bien, elle rend libre.
    Merci de ce partage.
  • patricia

    2 patricia Le 08/01/2024

    Je comprends à présent le lien entre ”disciple” et ”discipline”. Merci Georges
    Georges Lahy

    Georges Lahy Le 08/01/2024

    Le lien est facile en français entre "disciple" et "discipline" - ou en latin : disciplina / discipulus. En hébreu, c'est moins évident car un disciple est généralement un talmid [תַּלְמִיד], un étudiant. Toutefois dans le langage rabbinique cela peut-être un qibél [קִבֵּל], c'est-à-dire "qui reçoit de". Par exemple : Qibél meHilél [קִבֵּל מֵהִלֵּל], "Disciple d'Hillel". On peut dire alors que : Talmid hou mishehou memoushmâ [תלמיד הוא מישהו ממושמע] "un disciple (étudiant) est quelqu'un de discipliné".
  • MYRIAM999

    3 MYRIAM999 Le 08/01/2024

    Effectivement "replacement" des mots dans leur justesse bien utile dans ces temps de mouvance !
  • laposte

    4 laposte Le 08/01/2024

    Quelle délice! Un soupçon de myrrhe et un brin de miel (מְעַט צֳרִי וּמְעַט דְּבַשׁ également 850).
    Georges Lahy

    Georges Lahy Le 08/01/2024

    Très juste, meât tsori oumeât devash [מְעַט צֳרִי וּמְעַט דְּבַשׁ], c'est dans Genèse 43:11. Je traduirais plutôt tsori par "baume". Il paraît que se serait précisément de la "résine de kaki". Je dirais donc : "Un peu de baume et un peu de miel". Effectivement, un délice. Merci, je l'ajouterai pour la prochaine version du Dictionnaire de guimatria.

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