Le Livre de l’Unité

Georges Lahy Par Le 20/09/2024 3

Dans 2024

Ararita

L'auteur du Séfér HaYiħoud est Rabbi Ħammaï Gaon, est une figure mystique étroitement associée au cercle Iyyoun, un groupe de kabbalistes provençaux du XIIe siècle. Mentionné comme compilateur du Sefer Iyyoun, Rabbi Ħammaï, qu'il soit un personnage historique réel ou symbolique, semble avoir incarné pour ce cercle une autorité spirituelle et une source d'inspiration pour leurs enseignements.

Le Séfér HaYiħoud, probablement rédigé au XIIe siècle, peut être considéré comme l'un des textes attribués à Ħammaï Gaon par le cercle Iyyoun. Il s'inscrit dans la lignée du Séfér HaBahir, dont il développe certains thèmes clés comme la doctrine des Sefiroth et le concept d'Unité divine. Ce livre témoigne de l'influence du Séfér HaBahir sur les premiers kabbalistes provençaux et de leur contribution à l'élaboration de la pensée kabbalistique.

La Nature de l’Unique

Le Séfér HaYiħoud, offre une vision profonde de la Nature divine. Dieu y est décrit comme une entité absolument une, transcendante et inaccessible à la compréhension humaine.

L'auteur insiste sur l'Unicité absolue de Dieu, le désignant comme Ararita [אָרְאָרִיתָא], un acronyme signifiant « Un début de son Unicité, début de son Unité, son équivalence est Un. » Cette formule souligne la nature indivisible de la divinité. Ararita s'oppose à Ehvi [אהוי], un autre nom utilisé par le cercle Iyyoun, qui symbolise les cieux inférieurs et la manifestation de la divinité à travers les 22 lettres de l'alphabet hébreu (la guimatria de Ehvi est 22).

Le livre explore cette dimension supérieure représentée par Ararita, cherchant à saisir l'unité divine qui se cache derrière la multiplicité des Sefiroth et des autres manifestations divines.

הקב"ה נקרא בשם הגדול הגיבור והנורא הקדוש והטהור והנערץ ארארית"א ופרושו א'חד ר'אש א'חדותו ר'אש י'יחודו ת'מורתו א'חד

« Le Saint béni soit-Il est appelé par le grand Nom, le puissant, le redoutable, le saint, le pur, le vénéré Ararita, et son explication est : Un commencement de son Unicité, début de son Unité, son équivalence est Un. »

De plus, le nom Ararita [אָרְאָרִיתָא] compte une guimatria de 813, qui renvoie à la création de la Lumière dans la Genèse, avec ces deux versets de 813 chacun :

Vayomér Élohim yehi or veyehi or [וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יְהִי אֹור וַיְהִי־אֹור] (Et Élohim dit : Que sera lumière ! Et la lumière fut). Et Vayabdél Élohim yehi or veyehi or [וַיַּבְדֵּל אֱלֹהִים בֵּין הָאוֹר וּבֵין הַחֹשֶׁךְ] (Élohim discrimine, entre la lumière et entre l’obscurité).

Cette unicité divine se manifeste à travers les dix sefiroth, qui constituent la structure de la réalité. Mais le Séfér HaYiħoud insiste sur le fait que ces sefiroth ne sont pas des entités séparées d’Élohim, mais des aspects de Son être unique.

Le livre met également l'accent sur la transcendance divine. Dieu est décrit comme « se cachant » et « se dissimulant » derrière les sefiroth et les autres manifestations de Sa Présence. Il est inaccessible à la perception humaine directe et ne peut être connu que par l'étude de Ses œuvres et la contemplation de Ses attributs.

והקב"ה מתאחד בהם ומתעלה ומתעלם מהם עד אין סוף לרוממותו והעלמותו

« Et le Saint béni soit-Il s'unit à elles et s'élève et se dissimule d'elles jusqu'à l’Éin-Sof de Sa grandeur et de Sa dissimulation. »

Le Séfér HaYiħoud présente une vision de Dieu comme un être unique, transcendant et inconnaissable dans Son essence. Cette vision invite à dépasser les conceptions anthropomorphiques de la divinité (la mystique du Shioûr Qoma était en vogue à cette époque) et à s'engager dans une quête spirituelle de l'Unité divine qui sous-tend toute la Création.

Les Sefiroth comme Structure de la Réalité

Bien que le livre ne propose pas une exposition systématique de la doctrine des Sefiroth, il les évoque à plusieurs reprises, en insistant sur leur lien avec l'Unité divine et leur rôle dans la manifestation de la Création.

ועשר ספירות בלימה, שהן כל אחת ואחת עיקר בפני עצמה, והחכמה נשרשת בהן והיא מתגברת ונעלת על כולן.

« Et dix Sefiroth belimah, chacune étant un principe en soi, et la Sagesse (Ħokhmah) s'enracine en elles et elle est la plus puissante et la plus élevée de toutes. »

Ce passage souligne l'importance de chaque Sefirah comme un principe fondamental de la réalité. Il met également en avant la primauté de Ħokhmah, la Sagesse, qui englobe et transcende toutes les autres Sefiroth.

Le Séfér HaYiħoud décrit les Sefiroth comme des « Piliers de lumière » [עַמּוּדֵי אוֹר], suggérant leur nature lumineuse et leur rôle de médiateurs entre Dieu et le monde. Elles sont le support de la manifestation divine, permettant à la Création de recevoir le Shefâ, l’influx divin.

Le livre évoque également le lien étroit entre les Sefiroth et le Nom divin de 42 lettres, en les associant aux 42 lettres « scellées au début de l’éther » [חתומות בתחילת האויר]. Cette correspondance mystique souligne le rôle des Sefiroth dans la Création et leur fonction de canaux pour le Shefâ.

Le livre présente les Sefiroth comme des principes fondamentaux de la réalité, des piliers de lumière qui permettent à la Création de recevoir le Shefâ. Il met l'accent sur leur lien avec l'Unité divine et leur rôle de médiateurs entre le monde transcendant et le monde manifesté, donc entre Ararita et Ehvi.

La Merkavah, Trône de la Gloire

Le texte décrit la Merkavah comme une structure complexe et dynamique, composée de différents éléments célestes, notamment les Sérafim, les Ofanim, le Trône et le Char lui-même.

ועתה יש לנו לדעת ייחודו של מקום, ועשר ספירות, וזכרו, ושמו, והכסא, והמרכבה, והאופן, והגלגל, והשרף, וגם הפרגוד.

« Et maintenant, nous devons connaître l'Unité du Lieu (Maqom), et des dix Sefiroth, et de son évocation, et de son Nom, et du Trône, et du Char, et de la Sphère (Galgal), et du Saraf, et aussi du Voile (Pargod). »

Ce passage met en évidence la place centrale de la Merkavah dans la cosmologie du Séfér HaYiħoud. Elle est présentée comme un élément essentiel de la structure divine, aux côtés des Sefiroth et des autres manifestations de la Présence divine.

Le Séfér HaYiħoud décrit les Sérafim comme des êtres angéliques de feu qui « brillent d'un éclat intense » et se tiennent « à l'ombre de Sa gloire ». Ils protègent le Trône divin et empêchent les regards indiscrets de pénétrer les mystères de la Merkavah.

והם עומדים לפני מקום האחדות כאש אוכלה, כדי שלא יהיה כח לד' מחנות שכינה להסתכל במהותם ובשמותם.

« Et ils se tiennent devant le Lieu (Maqom) de l'Unité comme un Feu dévorant, afin que les quatre camps de la Shekhinah n'aient pas le pouvoir de contempler leur essence et leurs noms. »

Le Trône, quant à lui, est décrit comme le « Lieu préparé pour la chevauchée », où Dieu se manifeste dans Sa Gloire et Sa Majesté.

Le livre souligne le dynamisme de la Merkavah, qui « revient et se tient au milieu et de chaque côté ». Elle est en perpétuel mouvement, reflétant l'activité incessante de la divinité.

L’Image Divine et Pont vers l'Unité

Le Séfér HaYiħoud, met en lumière l'importance de l’humain dans le schéma divin. Non seulement l’humain est-il considéré comme le sommet de la Création, mais il est aussi doté d'une capacité unique à se connecter au Saint, béni soit-Il et à influencer les réalités spirituelles.

Le livre établit une correspondance entre l’humain et la structure des Sefiroth, suggérant que l’humain est une image microcosmique du macrocosme divin.

ומה שכתוב ועל דמות הכסא דמות כמראה אדם עליו מלמעלה, יש לנו לבאר כל הענין...

« Et concernant ce qui est écrit : 'Et sur la forme du trône, une forme comme l'apparence humaine au-dessus', nous devons expliquer tout le sujet... »

Ce passage introduit une description détaillée des correspondances entre le corps humain et les différents aspects de la Merkavah, soulignant la dimension symbolique de l’humain en tant qu'Image d’Élohim.

Le Séfér HaYiħoud insiste sur la capacité de l’humain à se connecter à Élohim par la prière et la contemplation. La prière est présentée comme un moyen de s'élever vers les sphères célestes et d'entrer en contact avec la divinité.

ודע כי אין התפלה מכוונת לבעלה כי אם לכוון ענין זה בגוף האדם...

« Sache que la prière n'est pas dirigée vers son Maître, mais vers la direction de l’intention dans le corps humain... »

Ce passage suggère que la prière a un effet non seulement sur le plan spirituel, mais aussi sur le plan physique et psychique de l'individu.

Le livre met également l'accent sur l'importance de la Connaissance pour se rapprocher de Dieu : « Je l'élèverai car il connaît Mon Nom » [אשגביהו כי ידע שמי].

La Connaissance de Dieu, de Ses noms et de Ses middoth, est présentée comme une voie essentielle pour s'unir à Lui.

Le Séfér HaYiħoud affirme l'importance de l’humain dans le schéma divin. Créé dans l'Image d’Élohim, l’humain est capable de se connecter à la divinité par la prière, la contemplation et la connaissance, participant ainsi au processus de la Dveqouth.

Commentaires

  • kennedy

    1 kennedy Le 21/09/2024

    Bonjour ,
    A lire et relire le livre de G.Lahy "Textes de la kabbale provençale médiévale" .
    Deux livres en un qui développe ces idées avec les annotations qui vont avec !!
    Merci pour les détails qui donnent une autre dimension au présent texte .
  • kennedy

    2 kennedy Le 21/09/2024

    Bonjour ,
    A lire et relire le livre de G.Lahy "Textes de la kabbale provençale médiévale" .
    Deux livres en un qui développe ces idées avec les annotations qui vont avec !!
    Merci pour les détails qui donnent une autre dimension au présent texte .
  • kennedy

    3 kennedy Le 21/09/2024

    Bonjour ,
    A lire et relire le livre de G.Lahy "Textes de la kabbale provençale médiévale" .
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